Les Nuits Secrètes 2014

1,2,3 Août 2014 , Aulnoye Aymeries

Evidemment la vie paraît difficile lorsque votre raconteur préféré passe ses journées le cul rivé dans le sable chaud à écouter le cri discret des vagues qui meurent inexorablement sur cette plage infinie de la côte d’Opale. Mon dieu c’est tellement beau que je vais me servir une bière. Entre deux bains de mer, je laisse carte blanche à la brise de mer de me sécher la peau en découvrant des nouvelles inédites de Charles Bukowski rassemblées dans « Le retour du vieux dégueulasse ». Dans une situation pareille il faut en trouver de l’énergie et de la motivation pour tracer jusqu’au festival des nuits secrètes. Bon je l’ai trouvé et si vous me demandez où, je vous répondrai gentiment d’aller vous faire foutre car un tuyau comme celui là ça se garde ! Faudrait quand même pas vous imaginez que Tonton va vous filer la soluce comme ça, two-fingers-in-the-nose sans que vous ayez à bouger le petit doigt ni vous triturer les neurones bande de nazes.

En route pour Aulnoye-Aymeries. Après avoir récupéré le sésame qui doit m’ouvrir certaine porte mais surtout lever les barrières bien gardées par l’équipe des vigiles d’Agora pour que je puisse prendre des photos des différents concerts, je m’enquière de savoir où se trouve l’espace presse afin de pouvoir me poser avec mon ordinateur puis l’alimenter en 220 volts, accéder au wi-fi pour traiter rapidement les informations et rédiger un blah-blah décalé mais objectif de cet événement régional. Wi-fi ? Non fit-elle ! Alors que David Vincent lui a rencontré les envahisseurs en cherchant un chemin qu’il ne trouva jamais, moi je n’ai rencontré personne d’exceptionnel en cherchant un espace presse que je n’ai jamais trouvé. J’ai passé l’âge des courses au trésor et je n’ai pas quitté la quiétude de Merlimont pour me lancer dans une veine course d’orientation. Le constat est rapide. Si My tailor is Rich alors my 307 is confortable !


Tiphaine

Vendredi 17 heures. Les premiers festivaliers envahissent les rues baignées par le soleil. Je remonte la rue qui accède à la gare d’Aulnoye-Aymeries pour trouver la joyeuse bandes des Bas Arts Auditifs qui dance sur la place aux rythmes de sons Hip Hop diffusés par La Play Mobile. Un concept ingénieux qui consiste à déplacer une discothèque par la force des mollets d’un cycliste probablement dopé. Cela peut paraître paradoxal mais dans chaque cycliste, il y a forcement un drogué qui sommeille même s’il ne risque pas de pioncer avec son pot belge. Vazy pédale ! Je profite de l’endroit afin de rencontrer des personnes qui viennent aux Nuits secrètes. Evidemment, la première personne que je croise est en mode Lost in Translation. En effet, Léa attend sa correspondance pour Hirson afin de visiter sa grand-mère. Venant de Villeneuve-sur-Lot, elle ne s’attendait en descendant du train à découvrir une ville en effervescence animée par la musique le temps d’un week end. Cela offre au voyageur de passage un spectacle amusant et inattendu. Puis j’aborde Tiphaine qui est venue en train pour participer au festival pour la soirée sans toutefois profiter de l’offre commerciale de la SNCF. Elle attend une amie pour voir Casseurs Flowters et Boys Noize qui jouent sur la Grande Scène. Dans ma grande candeur, je me demande ce que pensent de cet événement les professionnels du rail. En professionnel du rail, je ne parle ni des cocaïnomanes ni des cyclistes. Je suis surpris et un tantinet déçu de découvrir qu’à la SNCF le personnel ne pense pas, ma requête est directement bottée en touche avec un soupçon d’arrogance et de venin mal placé. Celui qui a le plus de gueule, probablement le chef me répond gauchement dans un esprit qui sent la bêtise du syndicaliste frustré que « Nous ne pouvons pas répondre a des interview, c’est interdit par le règlement » et « Si vous voulez poser des questions aller voir notre DU. Lui ne fait rien de ses journées derrière sont bureau ». Je soupçonne que pour D, il faut lire Directeur. Puisque les stéréotypes ont la dent dure, je ne vais pas me gêner les miennes sont mêmes acérées face à la connerie. Pourtant mes Bourguignons du rail sont des rigolos très sympathiques, fans de The Inspector Cluzo et qui vont au Hellfest. C’est dire combien ils sont fréquentables, eux ! Devant le tableau, j’annonce la fin de passe et je change ce cap pour changer d’air.

Toute la ville vibre pour ces 3 jours de festival comme Michel Génie, un artisan boulanger qui porte bien son nom puisqu’il y a eu l’idée forcément géniale de confectionner des biscuits représentant le masque de chat symbole des Nuits secrètes qu’il vend 1,70 euros pièce. Depuis plus de dix ans, le festival des Nuits secrètes situé dans l’intra muros, le cœur même de la ville représente un événement populaire composé d’un public très familial. Il faut reconnaître que la gratuité de la Grande Scène permet aux habitants du secteur d’Aulnoye-Aymeries d’accéder à une forme de culture pour laquelle ils ne dépenseraient jamais un kopek. Un critère qui pèse de son poids dans le portefeuille dans un bassin où le taux de chômage bat des records même si le tarif des scènes payantes demeure très attractif. En effet, essayez de trouver un festival dans la région qui propose un pass 3 jours à 53 euros et le camping à 10 comme me le confient Patrick et Thomas venus de Lille pour voir Fauve, Skip the Use et Agnes Obel. Malgré la qualité du son – beaucoup trop de basse – sur Fauve, les deux amis sont ravis de leur séjour. Patrick m’affirme sur un ton enjoué « Un excellent cru et pas beaucoup de pluie » quelques heures avant que le tonnerre ne gronde et que des pluies torrentielles s’abattent sur le site et imposent d’évacuer Le Jardin. C’est que pour tous les organisateurs de concert, le drame du Pukkelpop en 2011 reste un souvenir douloureux où le principe de précaution reste la meilleure option dans ce genre de situation météorologique. Un passage orageux qui a eu pour effet sa propre cause : une perturbation ! Des retards, des sets raccourcis pour conserver le timing.


Un coup de Génie !

Les Nuits secrètes en journée, c’est comme un Dimanche à Tchernobyl ! A part, quelques terrasses de café, la ville semble comme morte, il n’y a aucune activité avant 18 heures ! C’est d’ailleurs ce dont se plaignent Mathieu et Anna que j’ai abordé dans le parking où j’avais garé mon bureau. Venus de Paris pour le week end, ils ont trouvé une chambre d’hôte très sympathique à Cousolre. C’est la première fois qu’ils venaient au festival. Ils regrettent que l’organisation se soit pas plus axée sur l’humain et dans une continuité de la fête. S’ils ont été déçus par la programmation de Fauve en fin de soirée sur la Grande Scène, ils ont apprécié Boyz Noize et la Funk-House de Bodybeat à la Bonaventure. Ce soir, ils ont opté pour Chinese Man car ils doivent reprendre la route et ne pourront malheureusement pas voir Skip the Use. Un peu plus tard, je retrouve au Jardin Steven et Faustine. Ce couple originaire d’Aulnoye-Aymeries qui vit à Valenciennes demeure fidèle au festival auquel il participe depuis plus de 8 ans. Un événement qui symbolise une sorte d’anniversaire et qu’ils ne manqueraient pour rien au monde puisqu’ils posent des congés pour l’occasion. Steven considère que les atouts des Nuits secrètes sont sa proximité, son accessibilité et également sa gratuité. Il est très content que le festival prenne autant d’ampleur mais regrette qu’il y ait moins de découvertes dans la programmation. Intarissables ils me citent tous les groupes qui les ont enchantés depuis toutes ces années et terminent en m’affirmant que Club Cheval fut leur plus belle découverte. Cette année, ils sont venus voir GYM, Agnes Obel, Skip the Use, Gush, Casseurs Flowters, Boys Noize …


Mathieu & Anna

Si vous avez lu ce qui précède, vous aurez remarqué qu’effectivement les Nuits secrètes est un festival très éclectique autant au plan musical qu’humain. Dans un mouchoir de poche, les habitants et riverains se mêlent aux festivaliers dans un bon esprit. Les rencontres et conversations sont souvent inattendues et cocasses. J’ai quelques perles à vous offrir.
Un soir, nous nous sommes retrouvés à pousser une voiture dont les phares étaient restés allumés dans le parking. Mention spéciale pour la société qui gère l’établissement, où un employé est arrivé avec une batterie portative. C’est franchement cool !
Alors que j’expliquai la préparation du filet mignon au Maroilles. Oui, on peut causer cuisine entre deux concerts, ce n’est pas incompatible. Je vois passer une belle brune qui me demande pourquoi je la regarde. Oui, c’est vrai ! Pourquoi ? Je lui réponds simplement parce qu’elle est belle. Inutile de chercher midi à quatorze heures. Elle passe en souriant et je retourne à mon filet qui lui est mignon. Mon pote m’informe que cette belle brune était Anna Chedid. So What !
Alors que Compact Disk Dummies se déchaînait sur la petite scène de la Bonaventure, je n’ai pas croisé de cartomancienne,  mais la sympathique Céline avec qui j’ai eu une conversation very weird à propos de Roby le rocher ou le caillou. Une sorte de personnage énigmatique provenant d’une série TV dont je n’ai gardé aucun souvenir des explications confuses et décousues qu’elle a pu me donner. Sans oublier, Edwige un garçon manqué qui se promenait avec une guitare peinte avec du verni à ongle. Une touche très personnelle pour une vision artistique. Elle m’a interprété un petit morceau aux saveurs espagnoles.

Même si je suis loin d’être un régulier de ce festival, je garde toujours d’excellents souvenirs des éditions avec Marcel et son Orchestre, l’eternel Bob Log III, Triggerfinger et Jon Spencer Blues Explosion. A mon habitude, j’avais jeté un œil discret sur la programmation car je préfère le goût de la surprise en découvrant le groupe sur scène. Même si je n’ai pas croisée la moustache pétillante du fantôme de Marcel Béliveau, j’ai eu droit à quelques bonnes surprises mais aussi de mauvaises. Je commence par ces outsiders qui ouvrent le bal en plein soleil sur la Grande Scène. Leur nom est inscrit en petit sur les affiches comme sur un contrat d’assurance et il joue en général devant leurs potes, leurs cousins, les photographes car leurs copines ne viennent plus depuis longtemps et les quelques festivaliers qui ne sont pas au bar. En plus des spotlights, ils ont la chance de jouer avec le soleil en pleine tronche pour pouvoir probablement bronzer durant leur set. Baptizein & Secret Yolk sont surement des lecteurs assidus de Ardennes & Vie car dans cette verte région la vie doit être bien Hard as a Rock avec la tentation du Blues. Ben oui, les Ardennes font partie de ces belles régions de France où tout le monde rêve de vivre comme la Creuse ou l’Aisne. Rien d’étonnant qu’Arthur Rimbaud ait choisi de mettre les voiles pour devenir trafiquant d’armes en Afrique. En tout cas, Baptizein & Secret Yolk m’a mis une claque. Un power trio qui joue un Rock décomplexé, envouté et possédé avec la rage d’un sanglier en furie dans un tourbillon Blues psyché. Ces mecs ont une attitude et l’énergie qui collent parfaitement à leur musique. GYM a gagné sa place sur la Grande Scène en remportant le tremplin de l’Ascenseur organisé par Bougez Rock. Pour les Nuits secrètes, le groupe continue sur sa lancée en gagnant toujours plus d’assurance sur scène. Pop aux rythmes efficaces et dansants. Ca groove, le public présent est ravi. J’avais posé une option sur The Growlers en imaginant que leur Rock teinté de psychédélisme désinvolte estampillée de rien-à-branler me ferait lâcher un gros Whaouuu. Mais non ! Tu peux picoler ta bière dans un vase, te laisser pousser les cheveux, te rhabiller chez Emmaüs, porter un pull mité à l’extrême pour te donner un genre cool et branleur. Je suis resté sur ma faim comme quoi le style et l’attitude de beatnik ne fait pas tout. La musique reste scotchée au plancher des vaches. C’est bon mais cela manque d’ampleur et ne décolle pas ! En tout cas, ce n’est pas pire que Gush. Pourquoi s’inspirer de la merde des années 80 ? Je me le demande quand il y a autant de bonnes influences musicales. Heureusement, Pokey LaFarge m’aura laissé un excellent souvenir. Une belle lumière inonde la scène du Jardin. La musique des américains nous plonge dans un tourbillon spatio-temporel où nous nous retrouvons le temps d’un concert à La Nouvelle-Orléans dans les années 30 avec Ragtime et Folk Blues teinté de Jazz. Costard classieux et cheveux gominés Drew Heissler nous invite à redécouvrir le Roots le temps d’un superbe voyage musical. Un sans faute ! Bien sûr, le vendredi soir nous avions la visite du patron. Arno ! Même si j’accroche moins sur ses derniers albums, Monsieur Hintjens a composé assez de bonnes chansons ces 20 dernières années pour offrir un concert de folie. Il a littéralement embrasé le Jardin. Les Innocents avaient participé aux parcours secrets l’année précédente si je ne m’abuse. Ils reviennent cette année sur la scène du Jardin. Je me souviens les avoir vu à Brest dans les années 90 à la grande époque de l’album Post-Partum. Un concert géant sur la place devant l’hôtel de ville qui restera gravé dans ma mémoire et qui aura participé à me motiver pour venir au festival. Même si aujourd’hui le groupe n’est plus composé que de Jipé Nataf et Jean-Christophe Urbain, le duo revisite leurs plus belles chansons dans un style sans fioritures ni effets de manche et un esprit Folk Rock. J’ai beaucoup d’estime pour Les Innocents et leur talent de songwriting. En effet, ils ont composé des chansons aux textes et mélodies superbes qui resteront intemporelles. Voilà pourquoi je n’hésite pas à les comparer à CSNY ou les Beach Boys.

Vincent GILOT aka Le Guise
12 Août 2014

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