Sexe, Hop and Rock'n Roll

Idéalement située au centre de gravité du beffroi, de la cathédrale Saint-Vaast et de la mairie, c’est dire l’importance des forces en présence, la micro-brasserie L’Arras’in a pris la place d’un ancien commerce spécialisé en rideau depuis 2019. Alors, je vous invite à lever le voile sur ce magicien diabolique qui transforme grains et eau en un breuvage très apprécié en nos contrées : la bière. Ce géant hirsute à la barbe dispersée et sauvage, arbore fièrement un T-shirt du Hell Fest fatigué. En plus, il est fan de The Inspector Cluzo. Des critères de choix pour que Kroundave décide de le rencontrer, visiter son antre et partager une de ces dernières créations une bière d’abbaye, la bien nommée Saint-Vaast. Normal pour une brasserie qui revendique son attachement profond, comme un rhizome, à la ville d’Arras.


Nom, Prénom, Profession ?

Damiens, Christophe, brasseur, cuisinier, chimiste… Un peu les trois (rires)

Tu as un lien de parenté avec François Damiens ?

Mystère

Je me renseigne pour savoir si cette interview est un canular

Je ne sais pas ! Tout est possible (rires)

Trêve de plaisanterie, tu brasses ou tu crawles ?

Dans la bière je suis plutôt brasse et certains soirs je suis plutôt crawl. Ca dépend du moment

et du niveau de la piscine

oui, et de l’endroit où je me suis noyé toute la soirée


Elle a fait pschiiiiit !!!


Depuis brasses-tu ? Quel a été le déclic ?

Je brasse depuis décembre 2016. L’histoire a commencé par une cuite. Ma femme s’est acheté une maison et nous l’avons bien arrosée avec mon meilleur pote. On s’en ait prit une belle à la bière. En trinquant au champagne, on s’est dit « plutôt de boire celle des autres on va s’en faire une ». Alors, ma femme m’a offert un kit 5 litres et maintenant je brasse 500 par brassin.

Tu te souviens de cette première bière ? Elle était comment ?

Comme une première bière. Elle a fait pschiiiiit !!! C’était une petite blonde bien pâteuse par rapport à la levure qu’il y avait au fond de la bouteille. En tout cas, je me souviens de la satisfaction d’entendre ce petit pschiiiit. A ce moment là, tu te dis « J’ai fait de la bière ». D’ailleurs, j’en ai encore deux bouteilles.

Avant de devenir brasseur qu’elle était ta profession ?

J’étais technicien qualité dans le bitume d’étanchéité. Je travaillais dans un laboratoire où j’analysais les matières premières et les produits finis avant l’expédition. J’ai fait cela pendant onze ans.

Pour passer de technicien qualité à brasseur, as-tu suivi un cursus spécifique ?

J’ai fait beaucoup de recherche bibliographique sur internet, j’ai lu des thèses. Je n’ai pas fait de formation, de ce fait, je ne suis pas formaté par l’enseignement que j’aurai pu recevoir . Je suis plutôt libre dans la manière d’élaborer mes bières, je ne respecte pas forcément les règles qui sont enseignées. Des bières comme celles au café ou la chicorée, cela ne se fait pas normalement. Mais moi je les ai faites.

Cela t’offre plus de liberté pour expérimenter, innover et exprimer ta créativité ?

Je ne prends surtout pas conscience des risques que j’aurais pu apprendre à l’école. J’y vais, je vois ce que cela donne. Jusqu’à maintenant, je touche du bois (il tape sa malle qui nous sert de table) tout va bien.

Après toutes ces expérimentations, tu as combien de bières à ton catalogue, maintenant ?

Actuellement nous en avons 12 bières dont nos 5 bières régulières. Et depuis notre création, nous en avons brassé 37 bières différentes.

Tu peux nous présenter ces 5 bières régulières ?

La première est une blonde maltée et pas amère. Puis nous avons, la blonde au café que nous avons élaboré avec le café du torréfacteur Vayez. Une bière qui conserve son côté blonde avec une finale café qui se marie très bien avec un Maroilles. Puis, une triple à 8,2° d’alcool mais qui est brassée, pour être très sèche et pas trop lourde, avec du seigle et de la coriandre qui en font une bière goûteuse et gourmande. Ensuite nous avons une schwartz bier c’est une pils noire, une bière de fermentation basse, moins facile à boire que la blonde. Une bière que nous avions créer pour la fête de l’andouillette. Son goût torréfié matche bien avec le gras de l’andouillette ou avec un parmentier de canard. Toute sorte de plat, mais il faut du gras ! (rires) Enfin,nous avons l’IPA chicorée. Une IPA avec une belle amertume et un goût de fruits exotiques où la chicorée vient adoucir l’amertume et laisse un petit goût poivré réglisse. On s’était dit qu’il fallait apporter un peu de Nord dans une bière où les houblons viennent de très loin : États-Unis et Nouvelle-Zélande principalement. Et puis, de la chicorée j’en ai bu toute ma vie !

Tu utilises des houblons qui viennent du Nord Pas-de-Calais ?

A part l’IPA chicorée, L’American Pale Ale et la Kveik Session IPA, toutes nos bières sont brassées avec des houblons de CoopHounord, une coopérative basée dans les Flandres.

Et tes malts ?

Je m’approvisionne en orge malté à la malterie du château (ndr : la plus ancienne malterie de Belgique fondée en 1868. C’est principalement de l’orge français malté en Belgique. Je travaille avec eux depuis le début et il n’y a pas de mauvaise surprise.


en slip dans mon lit !


Tu es un brasseur Rocker. En effet, tu proposes une bière sobrement intitulée l’Assez d’essai : une manière de jeter l’éponge, de rendre hommage aux frères Young ou bien un clin d’oeil à l’ovalie ?

Plutôt les frères Young. Au début j’ai brassé avec Martine et Jean-Marie de la Mousserie, une brasserie située à Mérignies qui a débuté en même temps que nous. L’assez d’essai parce que je fais trop d’essai et brasse beaucoup de recette. Il paraît ! Un avis que je ne partage pas (sourire). Jean-Marie a fait partie d’un groupe de Rock et il écoute exclusivement ACDC. Le jour où nous avons créé cette recette nous écoutions ACDC : le nom est venu tout seul. La fusion entre assez d’essai et l’esprit du groupe de Rock.

A part cette bière, quelle est ta recette la plus Rock ?

Il y en aurait pas mal ! En ce moment celle qui me fait bien tripper c’est la Porter fumée café. Une Porter donc noire avec 8° d’alcool, un nez fumé café et un goût torréfié chocolat, chocolat au lait avec en fin de bouche un retour du fumé café. Elle se déguste à température ambiante comme cela on ne perd pas de temps à la mettre au frais. Et ça c’est plutôt pas mal !

L’Arras’in est une microbrasserie enracinée dans le coeur d’Arras. Joli jeu de mot. En tout cas, nous avons échappée à la Nick t’Arras, une bière de flibustier qui t’envoie bouler (de canon, normal), L’Arras Casse, une bière iodée qui enivre et déchire sec, L’Arras Tah une bière herbacée, apaisante et très diurétique car après l’avoir bue, Tu peace Man et pour finir L’Arras Poutine, la préférée du Kremlin et des barbus hirsutes. Alors vide ton sac, comment as-tu trouvé ce nom, L’Arras’in ?

C’est très con. Nous avons cherché tout les jeux de mot possible avec Arras. Un soir, en rentrant du boulot à 23 heures en me mettant au lit, la lumière : L’Arras’in. Justement on se disait que l’on voulait s’implanter dans le coeur d’Arras. Le nom a été bien trouvé mais il n’y a pas de grande histoire là-dessus. C’est très con, en slip dans mon lit ! (rires)

Parlons musique. Quel est l’album que tu as acheté avec tes propres deniers ?

C’était le CD de Nevermind de Nirvana. Et ce n’est que récemment que je l’ai racheté en vinyle. Car le vinyle c’est la vie !

Quel disque as-tu acheté pour sa pochette ?

La peste et le cholera de Tagada Jones et aussi Fantaisie Militaire d’Alain Bashung. J’ai eu une période Bashung où je n’écoutai que cela. Fantaisie militaire est le premier album de Bashung que j’ai acheté. Je les ai quasiment tous maintenant. La pochette est magnifique.

      

Quelle est la chanson idéale pour brasser ?

Le matin, quand je vais introduire les grains, j’aime bien écouter Zéro de conduite de Tagada Jones. Ce morceau me met une grosse patate. C’est un morceau que j’écoute systématiquement, ensuite j’écoute la radio. Mais j’ai besoin de ce petit coup de boost qui va bien avec le café !

Quelle est la bière la plus Rock que tu aies bu ?

C’était la semaine dernière au Beer Pote. Plus Rock, hum… C’est Rock, ça reste une bière noire. Une Imperial Stout de la brasserie Les intenables Craft Beer. C’est une Imperial Stout avec des saveur de fêve de Tonka et de café. Je travaille le café mais je n’ai pas encore réussi, et j’y travaille encore, à amener ce goût de café. J’ai pris une claque comme mon premier vinyle !

Quel serait la meilleure association entre une bière de L’Arras’in et un morceau de Rock ?

Ce serait la Rauchbier. Elle rappelle l’atmosphère de la sueur du pogo. Ce côté fumé quand tu es dans le pogo avec les copains. (rires)

Vincent GILOT aka Le Guise
Interview accordée le 21 Septembre 2021
L'Arras'in



La Microbrasserie L'Arras'in est située au 2bis rue Désiré Bras


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