Red

Playing on the moon

Comme Jean Gabin et Jean-Paul Belmondo dans Un vieux singe en hiver, Red fait partie de ces « Drunkard » célestes qui tutoient les étoiles. Sage, désormais loin des éthers, il s’enivre toujours des musiques et notes qui colorent notre univers. Comme une éponge, il absorbe tout. Pressé avec force et détermination ; il crache de multiples projets curieux et inattendus. Après différentes aventures dylaniennes, il a emprunté des chemins de traverses envahis par les herbes folles indie…ciplinées, traversé des champs électroniques, s’est retrouvé avec ses godillots plein de Blues, n’a pas trouvé quelque chose à célébrer, même pas ses 33 ans, il a connu le faste de Palace, croisé Wagner (pas Richard … Kurt) pour donner vie à Nightcrawler, arrivé dans le Funk, avec d’autres rouquins malicieux, il a envoyé plein de Beat à des corps en manque de groove. Aujourd’hui, notre Rouquin à la voix ténébreuse et aux guitares torturées revient avec un nouvel album Felk Moon


Olivier Lambin aka Red - Photo : Vincent GILOT

Après un premier album, enregistré en 1999, intitulé Felk sur le label Rectangle. Voici un retour aux sources avec Felk Moon sur Bisous records. Label créé par Quentin Rollet l’un des deux patrons de Rectangle. Comme pour Nightcrawler, Olivier Lambin s’évertue à peindre un dessin original pour chacune des 500 copies de ce nouvel album. Homme de nulle part et de partout, il a quitté Lille avec femme, enfants et guitares pour s’installer dans une banlieue un peu « bourge » de Paris. Rencontre avec un artiste atypique, créatif et généreux.

A la mémoire de Tonio.

Quelle est la signification de Felk ?

Felk ça ne veut rien dire ! Felk c’est le titre de l’album que j’ai dédicacé au chanteur décédé d’un groupe dans lequel je jouais lorsque je vivais à Annecy (NDA : Nicolas Van Berkel du groupe La cuve). Il me disait toujours que ma musique était entre du Folk et de la musique électronique : du Felk ! Voilà, Felk c’est un néologisme.

Comment est né Felk Moon ?

En classant mes archives j’ai découvert que j’avais encore des pistes électroniques de l’époque de Felk. Je les ai réécoutées et je me suis dit que ce serait sympa de créer quelque chose à partir de cette matière Ces pistes ont été la matière de base de la création de l’album.

Felk Moon c’est un clin d’œil à Harvest Moon ? Il y a quasiment 20 ans entre Felk et Felk Moon comme entre Harvest et Harvest Moon

C’est exactement cela. Il y a pile 20 ans entre Harvest et Harvest Moon : 1972 – 1992. J’adore la chanson « Harvest Moon ». D’ailleurs, j’en ai glissé quelques accords dans la première chanson de l’album « Bunch of teens ». Un petit clin d’œil ! En plus j’adore Neil Young et la manière dont il a abordé sa carrière. C’est un mec exemplaire, un éternel adolescent.

Felk Moon est un album dans la lignée de The Nightcrawler avec des pochettes dessinées ?

C’est surtout un album dans la lignée de ce que je fais habituellement : enregistré à la maison avec des bidouilles électroniques et quelques featuring.


Facebook c'est un cimetière


C’est un album influencé par Swell ?

Oui ! Swell est un groupe important pour moi. J’avais déjà dédicacé une chanson à David Freel sur l’album 33 qui s’appelle « Life is great ». A l’époque je lui avais envoyé la chanson par mail. C’est comme cela que j’ai découvert qu’il avait aussi enregistré une chanson qui portait le même titre « Life’s great » mais que je ne la connaissais pas (NDA : Elle se trouve sur l’EP Room to think enregistré en 1993, ainsi que sur la compilation Bastards & Rareties qui regroupe des faces B et des inédits enregistrés par Swell entre 1989 et 1994). J’ai une anecdote à propos de Swell. A cette époque, le groupe n’avait quasiment rien sorti en France. Juste leur premier album Swell. Le groupe jouait dans un petit club à Meythet dans la banlieue d’Annecy. On y est allé au pif. Déjà l’époque, j’allais voir des groupes que je ne connaissais pas ! J’étais très curieux. Et puis, grosse claque ! On a fini la soirée ensemble au bar et j’ai revu plusieurs fois David lorsque Swell était de passage. C’est une vieille histoire de fan. Je trouve que leurs albums ont très bien vieillis.

  

Justement, sur Felk Moon tu as une chanson qui s'intitule « The Day David Bowie Died, I was listening David Freel ». Tu peux nous en parler ?

Oui, c’est une chanson sur les réseaux sociaux. Je n’en peux plus des R.I.P : Facebook c’est un cimetière. Évidemment, si tu cherches, tous les jours t’as un mec qui meure, alors tu mets un R.I.P. Le jour du décès de David Bowie c’était le summum. Surtout que le même mois, c’était l’hécatombe, il y avait eu Michel Delpech, David Bowie, Pierre Boulez et Lemmy Kilmister fin décembre. Ça n’arrêtait pas ! C’est un petit agacement par rapport à un chouette outil de communication mais on balance des chats, quoi ! C’est complétement dingue. Enfin, le titre raconte une histoire vraie. Le jour de la mort de David Bowie, il faisait beau et je suis allé me balader dans Lille puis boire un verre dans un café. Et ce jour-là, j’avais écouté l’album …Well ? de Swell. Le son de guitare de Swell me hante encore.


J'adore le bruit des enfants


Il y a une continuité entre Felk et Felk Moon avec le dialogue de ta fille sur la cave de « I Get on my Own a special Way » à « Introducing the basement – Bunch of teens ». On se rend compte que les enfants ont grandi.

En effet, à l’époque de Felk Margaux avait 3 ans. Felk Moon reprend avec Margaux qui aujourd’hui va sur ses 23 ans. Elle a lu le texte à la virgule près. J’étais très ému et cela m’émeut encore lorsque je l’entends.

Le fait d’entendre les enfants, les bruits urbains, la vie quoi, sur tes enregistrements c’est aussi ta signature ?

Oui. D’ailleurs on entend le petit dernier sur Felk Moon qui intervient sur une chanson. Il s’est mis à parler pendant que j’enregistrais. J’adore le bruit des enfants. Ils sont présents sur plusieurs albums. On entend Marius sur Nightcrawler. Sur 33, j’ai enregistré pendant que mes filles prenaient un bain à trois. On les entend gueuler. Elles mettaient un bordel pas possible dans la salle de bain. Moi j’enregistrais à côté et j’aimais bien le bruit que cela faisait. En règle générale, il y a le bruit de la ville dans ma musique, des bruits d’oiseaux car j’enregistre la fenêtre ouverte, une ambulance qui passe, un coup de frein … Il y a cela aussi dans Swell (NDA : l’album 41 est le meilleur exemple avec des pas dans l’escalier, le téléphone qui sonne …)


Red une bête de scène et un guitariste aux influences très éclectiques
Concert de Bodybeat (Release party - 2014)

Bertrand Belin et Philippe Tessier ont participé à l’enregistrement de Felk Moon ?

Oui, Bertrand Belin qui est venu me prêter main forte sur « Bunch of Teens ». Il chante en anglais et joue également du violon et de la basse. Nous sommes amis depuis quasiment dix ans. Je l’ai connu via sing-sing. Nous nous sommes rencontrés pour la naissance de mon fils Marius qui va avoir dix ans. Philippe Tessier a joué du saxo sur « I’m Weird ». Philippe que je soupçonne d’être membre de The Residents, j’ai reconnu son matos sur scène. Mais il ne veut pas l’avouer.

Qu’en est-il du projet My Unprivate Blues Anthology avec Tonio Marinescu et Philippe Tessier ? Le coffret de trois vinyles devait sortir en 2011 sur Clapping music !

En effet, le label qui devait éditer le coffret ne l’a pas fait. On a tout préparé : la pochette, la référence du disque. Puis un jour, je n’ai plus eu de nouvelle du label ! Il a failli avoir une nouvelle sortie sur un petit label de Colmar, mais le décès de Mario en décembre 2016 m’a refroidi. Un matin, il ne s’est pas réveillé. Cela a été un dur moment. Je sortirai l’album lorsque Tonio arrêtera d’être mort pour paraphraser George Harrison à propos de la reformation des Beatles. Je pense que je vais mettre l’ensemble en écoute sur Bandcamp cette année.

Quels sont les derniers albums que tu ais achetés ?

Cette année, j’ai essentiellement acheté des disques de free jazz comme Sun Ra et le guitariste Sonny Sharrock.

En vinyles ?

Oui, oui, en vinyles. J’adore l’objet. La musique s’est complétement dématérialisée avec l’arrivée d’Internet. Ce qui n’est pas mal, je n’ai rien contre. Mais, ça fait du bien de pouvoir racheter des vinyles. Je suis content quand je vois des jeunes sortir d’un disquaire avec des vinyles sous le bras.

Quel est le premier disque que tu ais acheté avec ton argent de poche ?

Blonde on Blonde de Bob Dylan. (rires) Le même jour, j’avais acheté les Rubettes !

C’est ton côté Sugar Baby Love !

Ouais, voilà ! En même temps, j’aimais bien. J’avais sept ans à l’époque. J’ai acheté Blonde on Blonde car j’avais déjà le 45 tours de « Just like a Woman » qui est un peu ma madeleine de Proust. Le disque qui a bouleversifié ma vie. Le fameux 45 tours où Dylan pose avec une basse. J’ai toujours ce disque.

Quel disque as-tu acheté pour sa pochette ?

Le maxi 45 tours Dream Baby Dream de Suicide. La pochette est hyper belle, je la trouvais démente. A cette époque, il n’y avait pas encore de radio libre en France. Mais comme j’habitais à Annecy, je captais une radio suisse qui s’appelle Couleur 3 et qui diffusait ce morceau. Lorsque j’ai acheté mon disque et que je l’ai écouté, je me suis dit « Ah c’est ça !!!! Je suis content » car je connaissais déjà le morceau. Je suis devenu fan de ce groupe ! Ça devait être en 1982. J’étais ado. A l’époque, on achetait souvent des disques à la pochette. D’ailleurs, c’est ce qui se passe avec Felk Moon, puisque je n’ai pas vraiment diffusé de chansons et que des personnes ont déjà réservé des disques en fonction des pochettes et des peintures que je réalise une par une. C’est cool ! Je suis à 200 dessins et il y aura 500 pochettes originales. C’est un travail de fou, je ne pense pas qu’il y ait beaucoup de monde qui ait fait cela ! En art work de pochette je pense que je dépasse Sun Ra en quantité, mais pas en talent !

      

Quelle chanson possède le pouvoir de te mettre de bonne humeur ?

Celle qui me met la banane ? Attend, je regarde mes disques pour ne pas me gourrer ! J’hésite entre plusieurs en fait… C’est délicat, Ah si ! il y a ça … « Runnin’ Away » de Sly and Family Stone. C’est la chanson la plus gaie que tu puisses entendre.

Quelle chanson te donne envie de danser comme une bête ?

Malgré le cliché, « Stayin’ Alive » je la trouve vraiment géniale … Encore mieux, « You should be dancing » des Bee Gees. J’adore les Bee Gees en fait (rires) Je trouve les arrangements hyper bons, ça a de la pêche. C’est bateau mais il y a plein de trucs qui me font danser comme « Kiss » de Prince. Cela me met dans un état. C’est le meilleur son funky de gratte de tous les temps. Directement dans l’attaque ! Il y a plein de chansons des Talking Head qui me donne envie de danser aussi. Et oui, il y a des trucs sur lesquels les gens dansent Je suis, aussi, un gros fan de techno et de musique électronique. Je n’écoute pas que du folk dépressif !

Si Red était un accord, tu serais lequel ?

Un Ré majeur, car c’est un open tuning que j’utilise très souvent sur ma guitare. Il faudrait que j’en sorte de temps en temps. J’adore l’open de Ré majeur. Il me fait vibrer. J’ai une guitare qui ne fait que cela, des Ré Majeur (rires) L’un des plus beau Ré majeur !

Si Red était le nom d’un cocktail. Quelle en serait la recette ?

C’est un cocktail déjà existant mais qui me correspond bien, c’est le Bloody Mary mais hyper poivré ! Sa couleur et son goût me correspondent bien !

Vincent GILOT aka Le Guise
Interview téléphonique accordée le 12 Octobre 2018

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