L'apocalypse selon...


Certains affirment que plus c’est long, plus c’est bon. Faut rester objectif, au bout d’un moment, c’est surtout long. L’art de la maïeutique devient fastidieux quand ça tire sur la longueur. En effet, il y a à peine 4 ans, c'était en 2014, j’ai rencontré les 4 musiciens de VATICAN pour une interview-barbecue-Jupiler. Donc, en parfaite cohérence avec leur style convivial, inattendu et à contre-pied. Et bien sûr, je me suis pris les pieds. Je me suis vautré dans un flou ; je suis arrivé aves mes questions et je suis repartis avec des doutes. Ouais, des incompréhensions quasi philosophiques sur le déterminisme et le principe de cause à effet. Aussi, cela fait 4 ans que « ITW VATICAN » figure en pole position sur ma TO DO LIST. Quatre années que je démêle mes nœuds, cherche le bon bout pour aborder cet article et restituer la quintessence foutraque, décalée, spontanée de notre entretien. Je ne sais pas vous mais moi je reprendrai bien une merguez !

J’ai découvert VATICAN en première partie de Ed Schrader's Music Beat lors d’un concert organisé à La malterie. Haut lieu des musiques alternatives. C’était en septembre 2013. Même si nous étions aux balbutiements du groupe, il existait depuis plusieurs années comme me l’explique Mic :

« Le projet VATICAN est né il y a plus de 5 ans. On se voyait une fois par semaines mais sans faire de musique. On se retournait le cerveau, on retournait le cerveau des gens. Au bout de trois ans on s’est dit allons dans une salle de répét’, arrêtons de faire du mal aux autres, faisons du mal à nous même, flagellons-nous. L’impulsion est là. Aujourd’hui nous sommes Frère sans s. Le frère comme le frère trappiste quand même un minimum ! ».

Une période teintée de nihilisme et de paradis artificiels que raconte Fred :

« On a démoli beaucoup avant. À un moment à force de démolir, il faut bien montrer aux autres que l’on est aussi capable de construire. On prenait beaucoup de drogues à l’époque Notre projet c’était de démolir la planète, mais on n’y arrivait pas on restait cloîtré dans un appartement pendant des heures et des jours. ».

Des principes proches de la pensée hégelienne où il faut pouvoir détruire, pour pouvoir ensuite reconstruire. Le groupe commence à prendre forme avec Mic au chant, Fred à la guitare et Séb à la batterie. Alors qu’ils répètent ensemble vers Noël, Eric vient les écouter pour leur dire ce qu’il pense des compositions, comme l’explique Fred :

« C’était en hiver, une période de l’année où les gens ne sont pas très bien. Il est venu nous voir jouer et il a dit « ouais c’est pas mal, j’aime bien ». Mais il n’avait rien compris à notre musique ! On lui a dit ce serait bien qu’on ait un bassiste mais Éric ne jouait pas de basse. Du coup, il s’y est mis. (ndr : Eric Ferla est guitariste. Il était chanteur et guitariste du groupe Lazzi qui a sorti l’album l’œil extatique en 2001.) En fait, l’arrivé d’Éric dans le groupe a vraiment apporté quelque chose en plus. Cela mettait en lumière ce qu’on était déjà capable de faire. »

Qu’est-ce que VATICAN ? Quelle est l’essence du groupe ? Qu’est-ce qui le rend si singulier et captivant ? Fred puis Mic nous apportent une explication sur la naissance du groupe :

« La vraie étincelle qui a créé ce groupe c’est le mal-être d’Éric. On a été un peu comme des assistantes sociales pour lui. Un moment, il failli craquer. On s’est dit on va le mettre en lumière en lui faisant jouer de la musique. On s’est aperçu que l’on développait une certaine solidarité à sauver notre ami. On s’appelle VATICAN car, on s’approprie un truc à la con tu vois mais du coup on s’est dit « on s’appelle frère » car on était solidaire. On lui a sauvé la vie ! Cela ne l’a pas empêché de sauter trois fois du pont. Mais dans un sens on lui a sauvé la vie car il est toujours là !»

Mic complète ce qui vient d’être dit en affirmant que :

« Le propos reste le mal-être ambiant et généralisé dans lequel on se marre bien, on se vautre à pied joint. C’est juste une traduction d’une chute. La chute. »
Puis s’adressant à Eric « Toi tu tombes tout le temp. C’est ça, c’est la chute d’Éric. »
Fred rajoute un « Pas que ! »


Tout est bluff et esbrouffe


Un concert de VATICAN est une expérience unique où Frère Mic, ancien bassiste du groupe de métal No Flag, est reconnaissable par son tablier Jupiler. Immanquable, vous croiserez son gabarit de garçon boucher dans la foule en train de scander ses chants. Ainsi il affirme :

« Je vais dans le public car pour moi un concert c’est un spectacle où les gens doivent être impliqués. Ce que je cherche, c’est leur implication et je vais les chercher un par un. Aujourd’hui, je peux le faire car ils sont cinquante. Quand ils seront 500 j’aurai un peu plus de mal, mais j’y arriverai. Il n’y a pas de raison ! »



Lecture de Woman selon Saint-Bukowski par le Frère Mic

« Non, pas que » comme le confirme Mic ! Qu’y a-t-il d’autre ? J’aimerai comprendre la démarche artistique du groupe, les thèmes abordés. Bukowski est l’un de mes auteurs américains favori et j’ai remarqué que sur « Dark », Mic chante des passages du livre Women. Je ne suis pas au bout de mes surprises quand j’aborde ce sujet. En effet, d’après Mic tout cela n’est que le fruit du hasard et m’explique :

« C’est le seul bouquin que j’avais en anglais dans ma bibliothèque. »

Heureusement que ce n’était pas Noddy goes to Toyland d’Enid Blyton. Ce serait probablement une version étonnante. En fait, il n’y aurait aucune explication mais alors pourquoi mettre des marques-ta-page dans le livre ? Anyway. Ainsi Fred affirme :

« En fait, VATICAN ça veut dire tu fais ce que tu veux ! Tu prends un bouquin, tu lis le truc. Toi, tu crois qu’il y a une signification au fait qu’il lisse ce bouquin en particulier. Elle est la signification, de faire croire qu’il y en a une. »
Mic en rajoute une louche « C’est décevant, hein ? Tout est bluff et esbroufe. On se fout de la gueule de tout et d’abord de nous. C’est de l’auto-dérision tout le temps. »
Puis Fred aborde le choix du nom du groupe « Le nom c’est pour ça aussi ! VATICAN »
Mic explique que « VATICAN, le A d’anarchie à l’envers pour le logo, tout ça c’est de l’esbroufe, du bluff, c’est une grande méga blague. » et Fred de conclure « Si tu as envie d’y voir un message tant mieux. C’est ça le but. Chacun est libre d’y voir ce dont il a envie. »


Presque pur hasard


Mouais. En philosophie l’acte gratuit n’existe pas. Il a forcément un motif, une raison à l’origine de la démarche. Je veux bien croire que l’on puisse créer de manière spontanée, sans intervention de la conscience ni de la volonté, comme l’écriture automatique chez les surréalistes. Finalement, Mic me rassure un tantinet quand il me dit :

« Il y a toujours un lien ! Le passage que je lis reste en rapport avec ce que l’on raconte en général dans les textes et l’attitude que je peux avoir en live.

Mais il me parle de « presque pur hasard », sa théorie proche de l’oxymore me laisse dubitatif. Je n’y peux rien, c’est mon côté pragmatique.

« Concernant VATICAN c’est presque un pur hasard qu’on s’appelle VATICAN, Bukowski c’est presque un pur hasard. Les concerts se déroulent comme ils se déroulent, c’est un pur hasard. Sauf, que l’on tire profit de tout ce qui nous entoure. On prend ce qui se présente tout le temps et on l’accepte ! »

Le presque pur hasard fait parfois bien les choses quand le groupe apporte une caisse de Jupiler pour le public comme lors du concert avec Zëro à l’Antre-2.

Ainsi, Éric affirme « Tu vois pour moi, cela c’est de la magie » puis il rajoute « La démarche est saine, tu fais ton truc tranquille, sans plan de carrière à la différence beaucoup de groupes qui rédigent leur dossier de subvention avant d’avoir écrit une note de musique ! »

Pour conclure cet entretien, Mic décide de dévoiler le poteau rose

« On aurait dû faire semblant d’être sataniste ! » et Fred toujours prêt « On peut encore le faire, on peut encore le faire ! Passe-moi le canard. »

Abracadabra ! Tout est là. VATICAN s’affiche comme un groupe qui joue avec beaucoup de spontanéité et sans prétention dont le but est de s’éclater. Un groupe de Rock, quoi ! Une bande de potes qui puisse ses influences dans la vie avec ses heurs et ses malheurs ainsi que dans des groupes comme :

« Enabler, Unsane, Oxbow mais sans prétention. Rien n’est comparable, c’est tellement énorme. Je pense qu’il y a un peu de tout ça » affirme Mic.



Aller, je vous laisse Mic et Fred tout vous raconter

Mic : En fait pour nous, tout se passe bien, on s’éclate bien. On ne se pose pas trop de question car il n’y a pas d’objectif.
Fred : Il n’y a pas d’objectif, mais il y a un message !
Mic : C’est quoi, le message ?
Fred : Mais ça, on ne peut pas le dire !
Mic : C’est un message secret.


Chuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuut !

Vincent GILOT aka Le Guise
Article rédigé le 21 Août 2018
d'après une interview accordée le 6 Juillet 2014
Dans un cadre bucolique chez Mic Vanzele, Bondues
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