L’escalator m’avale mécaniquement et rapidement dans la station de métro. En passant, je m’empare d’un gratuit pour divertir mon court voyage. Que m’inspire le monde ? Il y a de la matière pour aromatiser une interview avec The Inspector Cluzo !

Vous venez de jouer devant un public de bambins. Imaginez-vous The Inspector Cluzo au top des ventes des écoles primaires et maternelles ?

Mathieu – Ecoute, c’est cool, il ne faut négliger aucun public. Plus tu les prends jeunes, mieux c’est ! Pour fidéliser les fans, il faut s’attaquer à la base, comme avec une bonne méthode de marketing moderne ; tu leur fais un lavage de cerveau dès le plus jeune âge pour les conditionner et ils aiment ton groupe à vie !

Sur votre dernier album, vous critiquez le monde abject et sans scrupule de la banque avec la chanson « Trader Forever ». Jérôme Kerviel vient d’être condamné à 5 ans de prison dont 2 ferme et à verser 4,9 milliards d’euros de dommages et intérêts. Que vous inspire cette décision ?

Mathieu – C’est super, j’adore ça ! Nous ne sommes pas en pleine science-fiction. Tout va bien, nous sommes dans la vie réelle. Cette somme ne veut rien dire car elle est à l’image de ce qui est joué dans les échanges financiers qui sont passés à la seconde. Elle dépasse l’entendement et nous dépasse finalement. Cela prouve à quel point c’est de la connerie, ce boursicotage à outrance et ce « tout-pour-la-thune ».

La loi Hadopi vient de passer en version 2. Cette loi doit justement condamner le téléchargement illégal, responsable pour certain de la lente mort du disque. Quelle est votre opinion sur le téléchargement ?

Mathieu – Nous sommes pour le téléchargement, dans le sens où il permet de découvrir la musique. De toute manière, ceux qui aiment, achèteront des places pour venir aux concerts. Nous touchons du bois car pour l’instant le live n’a pas encore été dématérialisé. Cela viendra dans plusieurs années quand les scientifiques arriveront à stimuler le cerveau directement et simuleront tout, c’est-à-dire, le gros son qui fait mal et les odeurs, celle du voisin qui pue parce qu’il a sauté partout, de clopes et de bière ! Mais nous n’en sommes pas encore arrivé là. Nous avons encore de belles années devant nous. Pas pour le disque, mais au moins pour le live. Le téléchargement reste un bon vecteur de promo. De plus, la musique téléchargée demeure une succession de 0 et 1 stockés sur des machines très instables qui plantent en moins de deux ! C’est l’escroquerie du siècle. Tu peux perdre tous tes fichiers, à moins d’être un maniaque de l’informatique qui réalise des sauvegardes régulièrement. Ceux qui aiment l’objet continueront d’acheter des CD ou des vinyles. En fait, il est impossible de lutter contre le téléchargement car Internet c’est la liberté absolue.


Pour nous Facebook® représente vraiment la photo
de la solitude de nos sociétés modernes


Lorsque vous êtes en tournée à l’autre bout du monde, comment vous tenez vous informés de l’actualité ?

Mathieu – Oh c’est simple. Dans les hôtels avec i-télé® nous regardons les infos. Et puis il y a aussi Internet, nous ne sommes pas coupés du monde !

Faites vous l’effort de suivre l’actualité ?

Mathieu – Oui, c’est important car l’actualité nourrit nos concerts.

Quel est le fait d’actualité qui vous a le plus marqué cette année ?

Laurent – Le débat sur l’identité nationale et très récemment l’expulsion des Roms. C’est choquant !

Laurent, lors du concert au Cabaret Vert, tu as hurlé « Fuck Facebook® ». Quelle est votre attitude vis-à-vis de ces réseaux dits sociaux et de copinages finalement très virtuels ?

Laurent – Nous n’avons rien contre Facebook® en particulier. En fait c’est triste, car ces trucs là ont été créés pour recréer du lien social qu’il n’y a plus. Je pense que la ville a suscité cela. La surpopulation citadine où les gens sont très isolés. Beaucoup de connaissances, mais les gens vivent seuls. Ces systèmes se posent là pour masquer par un écran de fumée la solitude. Après cela a une conséquence fâcheuse : le narcissisme absolu, le recentré sur soi, un côté Yo Soy (nda : Je suis en espagnol) permanent, où l’on se montre sous son meilleur profil. C’est un peu ennuyeux, chacun joue dans son propre film ! Sinon, nous l’utilisons souvent pour rencontrer des gens que nous avions déjà vus à l’étranger. Il permet de communiquer facilement, un peu comme un mail, c’est un vrai moyen de modernité. Pour nous Facebook® représente vraiment la photo de la solitude de nos sociétés modernes.

The Inspector Cluzo a un BlackBerry® mais est-il un « geek » ?

Laurent – Nous ne sommes pas des « geeks » ! Nous suivons notre temps. Un BlackBerry® c’est vachement bien pour nous qui voyageons beaucoup. Il nous permet de suivre notre business sans devoir courir partout après une connexion et payer un âne mort. C’est un vrai progrès. Ensuite, il faut savoir faire la part des choses et l’éteindre chez soi. C’est vraiment un outil professionnel. Nous n’avons pas de portable, ni lui, ni moi. Car nous n’en voulons pas ! Les gens qui ont besoin de nous joindre, savent où nous joindre.

Quelle chanson préférez vous jouer en concert ?

Mathieu – Empathy Blues
Laurent – Two Days

Quel est votre meilleur concert ?

Mathieu – Evreux pour la France ! Sinon, Naeba Shokudo sous la pluie au Fuji c’était quand même quelque chose !
Laurent – Oui, le Fuji Rock en 2009 c’était énorme. Le concert du lendemain sur une grande scène était magique ! Nous conservons un excellent souvenir du Rock dans tous ses états à Evreux. Une communion générale avec un public de 15 à 55 ans. D’ailleurs, quand nous y avons joué la semaine dernière c’était plein.

Quel est votre pire concert ?

Laurent – Le Barfly a Londres !
Mathieu – Oh oui, à l’aise ! Le Barfly, Londres ! C’était notre premier concert en tête d’affiche à Londres. Nous avons fait treize entrées payantes. Tu as des escaliers hyper raides pour monter le matos. Dans l’après-midi, nous nous sommes pris une prune de stationnement par un bobby. Dans les loges, tu voulais une serviette, il fallait payer. Tu n’avais pas de bouffe, rien du tout ! Nous sommes parti limite trop tard de Londres alors que l’Eurotunnel® était à une heure du matin. Nous avons tracé comme des porcs et nous l’avons raté. Le prochain était 4-5 heures plus tard. Nous avons dormi comme des crevards dans le camion quelques heures. Nous avons voulu prendre un petit café dans un distributeur pour nous réchauffer. Manque de peau, il ne nous restait que 50 pences, donc il ne fallait pas se rater ! On met la pièce et là pas de gobelet, tu as le café qui coule dans la machine. Heureusement, j’avais réussi à ramener un Twix® que l’on a partagé à plusieurs.
Laurent – Comme des connards sur le parking, dans la nuit à se peler en attendant le prochain train.
Laurent et Mathieu – La lose totale ! (Rires) Mathieu – Ce jour là, nous nous sommes dit « Ce concert on s’en rappellera ! ».

Quel est le meilleur groupe avec lequel vous avez partagé la scène ?

Laurent et Mathieu – Fishbone
Laurent – Et puis Suicidal Tendencies aussi
Mathieu – Oui, les deux !

Vincent GILOT aka Le Guise
interview accordée le 6 Octobre 2010
L'Aéronef, Lille