Comment est né l’album ?
L’album c’est 15 jours de notre vie, car c’est une écriture rapide axée sur le ressenti. Cela correspond à l’état dans lequel j’étais au moment de l’écriture.
Qu’est ce que tu écoutais ou bien lisais pendant cette période d’écriture ?
Pendant ces 15 jours je suis reclus
Un ermite ?
Complètement, je vis la nuit et le jour je dors très peu. Je n’écoute rien, je ne lis rien !
A propos de la notion de concept album ?
Elle est venue toute seule finalement, dans la mesure où pendant ces 15 jours d’immersion en écriture et composition, je n’ai pas eu de variation d’humeur et d’émotion dans ma vie. Tous les morceaux étaient liés ensemble. Il restait à leur donner un ordre précis qui est venu assez rapidement.
D’où vient l’idée de la reprise de "La nostalgie camarade" ?
Bien avant de commencer l’écriture, je souhaitais déjà une reprise de Gainsbourg sur mon futur album. Ca n’a pas été très difficile. En fait, j’ai ouvert un livret de partition au hasard et je suis tombé sur La nostalgie camarade. Cela doit être magique car elle se marie parfaitement bien au concept. J’ai pu mieux comprendre cette chanson. Quand il parle du primitif, du panou panou qu’il a flingué finalement. Je suis intimement persuadé que c’est une chanson autobiographique, car c’est assez extraordinaire, elle figure sur l’album Mauvaises nouvelles des étoiles où apparaît le personnage de Gainsbarre (nda : Sur la chanson "Ecce Homo"). N’a-t-il pas tué Gainsbourg avec cette chanson ?
On peut toujours écouter la Star Ac’ si on ne veut pas réfléchir. Je ne pense pas que le travail d’un artiste soit d’apporter de l’émotion facile. De toute façon si cela marche c’est qu’il y a une raison !
Comment s’est déroulé l’enregistrement ?
C’est du "fait maison", pour une bonne raison qu’au moins nous pouvons prendre le temps. Les studios d’enregistrement sont hors de prix mais aujourd’hui avec la technologie que nous avons à portée de mains nous pouvons obtenir un résultat plus que convenable en faisant ce travail chez soi. Je pars des morceaux qui sont écrits "piano - chant", "guitare - chant", qu’il faut ensuite arranger. L’album commence par un a capella et termine par un instrumental plutôt symphonique, il a fallu une progression au niveau des arrangements.

Parle-nous justement des arrangements que tu réalises par MAO (nda : Musique Assistée par Ordinateur) ? Tu as rencontré des difficultés ?
Effectivement, les parties symphoniques ont été les plus difficiles. Je n’ai pas beaucoup de notions de solfège, vu que j’ai appris sur le tard. Pour l’écriture des parties symphoniques j’ai dû étudier la disposition d’un orchestre, réfléchir à savoir d’où venait le son des instruments tout en évitant que les parties mélodiques ne se chevauchent. Pour le reste c’est un travail de sample.
Comment enregistres-tu les voix ?
J’ai déjà eu la farce avec les précédents albums. Il faut un lieu relativement bien insonorisé pour prendre les chants. Alors, nous avons construit une petite cabine dans notre chambre pour s’isoler complètement du bruit extérieur qui nous permet un gain de 40 dB. L’enregistrement des voix a pris pas mal de temps car je suis un peu tatillon là-dessus. Je n’ai pas envi d’avoir une fausse note sur les voix. Ca prend énormément de temps, ce n’est pas qu’on ne sache pas chanter mais je veux que ce soit nickel. Et puis il y a aussi l’émotion qui est très importante. L’émotion ne se travaille pas, elle se capte Et on arrive à la capter en répétant, répétant, répétant plusieurs fois. D’ailleurs je m’amuse souvent à faire pleurer Odile tellement je l’embête avec ça et c’est justement à ce moment là que j’ai une meilleure prise de voix.

Tu disais vouloir prendre ton temps. Justement combien de temps as-tu consacré à la réalisation de cet album?
Pour l’enregistrement et les arrangements, il faut compter environ 9 mois !
Quelles sont les influences majeures du duo Markou/Closset ?
Nous aimons bien Gainsbourg. Ca c’est clair, nous le disons suffisamment. Mais aussi Léonard Cohen. Nous avons beaucoup écouté Led Zeppelin et Pink Floyd pendant l’enregistrement. Cela ne se ressent pas forcément sur le disque. Par contre, pendant cette période nous nous sommes mis volontairement une barrière où l’on ne voulait absolument rien écouter de « français ».
Quel regard portes-tu sur cette scène imposée par les média comme la Star Ac’ et autres ersatz ?
Je ne sais pas quoi répondre à ça ! Nous vivons dans un monde préfabriqué, complètement aseptisé. Etonnement, Démantibulés est parfois taxé d’album triste, alors que je l’estime plutôt poétique. Cela montre un peu comment évolue le monde. Si aujourd’hui la poésie devient triste !!! On peut toujours écouter la Star Ac’ si on ne veut pas réfléchir. Je ne pense pas que le travail d’un artiste soit d’apporter de l’émotion facile. De toute façon si cela marche c’est qu’il y a une raison !
Justement sur la chanson "Démantibulés", nous retrouvons un arrangement digne d’une émission TV avec des applaudissements et des rires
Au départ, cela n’était pas prévu. Il devait y avoir des guitares et des voix qui montent. Mais finalement nous avons voulu prendre cela à la légère et montrer comment sont les choses dans la réalité. On va vous dire d’applaudir, applaudissez ! On va vous donner de la Star Ac’, achetez la Star Ac’... C’est la manipulation du peuple.
Quelle est ta dernière découverte musicale ?
Bat for Lashes. C’est très bien, original ! J’ai vu le clip et j’ai acheté l’album Fur and Gold de suite, ce qui est rare !



Au niveau de la scène française ?
Je n’écoute pratiquement rien !
A cause d’un manque d’information ?
Il y a certainement des choses très bien mais que nous ne connaissons pas. Ce que l’on propose me laisse de marbre. La Star Academy, c’est clair je n’écoute pas ça ! Si on parle vraiment de la nouvelle scène française avec Bénabar et compagnie, ce n’est pas trop mon truc non plus ! Le problème c’est qu’il n’y a plus vraiment de fond. Il y a beaucoup de forme avec des textes joliment écrits, mais je trouve que ces artistes n’ont plus grand chose à dire ! C’est un peu dommage !
La pochette a été réalisé par Manon (nda : La graphiste créatrice du site www.tetedechou.com sur Gainsbourg). Comment s’est passée cette collaboration ?
Manon nous a fait une première proposition de pochette qui était blanche avec une photo un peu floue d’Odile. Mais elle ne correspondait pas vraiment à l’atmosphère de l’album. Alors j’ai commencé à lui faire écouter des titres au fur et à mesure de leur création ce qui lui a permis de s’imprégner de l’ambiance du disque. Finalement nous sommes arrivés à une proposition quasi identique au produit final en noir et vert.
Les références littéraires, le style riche ne font-ils pas de Démantibulés un album assez élitiste ?
Je pense que certains textes comme les poésies ou les entre chansons comme "Parnassius Appolo" peuvent le faire penser. Mais dans l’ensemble l’album reste abordable.
C’est un album assez violent par les mots ?
C’est un album où nous nous faisons violence. Mais, la fin est plutôt positive. Il faut avoir un recul sur soi pour pouvoir exprimer ces sentiments.
Cette violence en fait-il un concept album difficilement transposable sur scène ?
Il faut prendre des gants pour essayer de glisser l’émotion tout en dosant savamment l’humour pour justement faire passer des éléments plus glauques. Je pense qu’il ne faut pas trop se prendre au sérieux pour justement mettre le public à l’aise.
Et techniquement, comment comptes-tu reproduire les arrangements ?
Les chansons sont reprises dépouillées, sans arrangements.
Tu as des difficultés pour te produire ?
Plutôt. Il faut trouver des programmateurs qui veulent prendre des risques avec un public qui soit curieux. Aujourd’hui proposer de la chanson française, c’est la croix et la bannière. C’est déjà sympa de trouver des endroits où jouer comme la Ferme des Hirondelles à Fretin ou le Biplan à Lille. L’année dernière nous avons fait 6 concerts. C’est trop peu !
Vous êtes diffusés à la radio ?
Un titre passe sur Canal Sambre Avesnois (nda : Devenu Canal FM) et la chanson "Démantibulés" a été diffusée par Francophonie Express. C’est une émission programmée sur 26 radios francophones avec un potentiel d’auditeurs très important (nda : plus d'un million d'auditeurs au Canada et à l'international)
Vous avez obtenu des aides ?
Nous avons obtenu une subvention de la SACEM dans le cadre de l’autoproduction. Ce qui est loin d’être évident car sur les 5000 dossiers présentés sur le territoire seul 40 ont été retenus et nous sommes le seul pour la région Nord-Pas-de-Calais.
Comment est distribué l’album ?
Au niveau régional nous sommes distribués par l’association Inner Quest. (Furet du Nord, disquaires...). Nous avons aussi une bonne présence nationale avec les magasins Cultura. L’album est sur la majeure partie des plateformes légales de téléchargement. Sinon, il bien diffusé dans les médiathèques grâce à l’article de Chorus.
As-tu eu d’autres articles ?
L’album a été critiqué dans Longueur d’Ondes. Nous avons été cité dans le Journal du Dimanche à propos d’un article sur Gainsbourg et également dans le Dictionnaire Gainsbourg de Jean-William Thoury.
Vincent GILOT aka Le Guise
interview accordée le 2 Novembre 2007
Bachant