Curry & Coco

L'épicerie fine en inventaire

Sylvain et Töma de Curry & Coco, reviennent sur un an d’une existence fulgurante, riche en concerts. Occasion de nous expliquer leur évolution musicale et leurs projets.

Putain un an ! Voilà un an que la pop déjantée de Curry & Coco existe. Habituellement, quand en janvier sonne l’heure du bilan de l’année écoulée, le couperet tombe : un enfoiré ! Euh … Une année de foutue, mais pas pour tous. Car pour notre binôme épicé sucré, leur victoire du tremplin organisé par l’association Bougez Rock a été un catalyseur, dont la chimie a été soigneusement maîtrisée. Depuis, leur passage aux Nuits Secrètes sur la scène du jardin (prix du tremplin : ndla) avec des groupes comme Tokyo Sex Destruction, The Bellrays et Radio 4, le groupe a écumé les principales scènes rock de la métropole lilloise en à peine 3 mois : La Malterie, l’Aéronef, le Grand Mix et la Cave aux Poètes. Alors que simultanément, nos zouaves sortent un E.P. et ont défendu leur candidature, le 17 décembre 2006 à Calais, pour les présélections du printemps de Bourges, le moment est bien choisi pour revenir sur un an de cuisine exotique et entrevoir l’avenir. En cette période de vœux que pourrais-je leur souhaiter de mieux qu’un énorme succès ?

Bon inutile de revenir sur qui est Curry, qui est Coco.

Sylvain : C’est assez plaisant !
Töma : Ce serait sympa !

Personnellement j’m’en tape. Par contre, comment est né ce duo ? Vous aviez déjà joué ensemble avant ?

Töma : C’est toi qui fais ce genre de question administrative (rires)
Sylvain : Curry & Coco est né en janvier 2006 de la mort d’un ancien groupe The Soup, dans lequel nous jouions tous les deux, et qui était un trio. Nous avons décidé de continuer à jouer ensemble. Au départ c’était batterie clavier. Et nous nous sommes dit « pourquoi s’encombrer de plein de gens si on s’éclate à deux ». En fait, un duo était déjà né au sein de The Soup. Ca s’est imposé comme une évidence qu’on était à deux et qu’il fallait jouer à deux !

Vous avez une formation musicale ? Sylvain, au début tu passais de la basse, au clavier puis à la guitare. Tu es un vrai multi instrumentiste !

Sylvain : Nous avons tous les deux pris, comme tout le monde qui commence la musique, des cours de solfège. Comme instrument j’ai pris des cours de piano et de batterie. J’ai commencé à jouer de la guitare en autodidacte car le piano offre beaucoup de facilités pour les instruments mélodiques comme la guitare, la basse…
Töma : J’ai commencé par la percussion classique, puis après la batterie.

J’ai assisté à six de vos concerts entre avril et novembre. Il est évident que votre style a évolué. Comment expliquez-vous ce revirement de multi-instruments à une formation réduite batterie et clavier ?

Sylvain : Batterie clavier pour l’instant !
Curry & Coco : (crescendo) Pour l’instant, pour l’instant, pour l’instant.
Sylvain : Nous ne sommes strictement pas fermé à quoi que ce soit.

Pourquoi avoir abandonné la guitare ?

Sylvain : C’est juste une histoire de plaisir en live. Je m’éclatais moins à la guitare. En fait je m’éclatais vraiment au clavier et à côté de cela la guitare me paraissait un peu en trop dans mon envie de vraiment pousser, approfondir le clavier.

Une volonté d’expérimentation ? Car au début tu avais juste un clavier simple et depuis tu as racheté du matériel ?

Sylvain : Il y a eu pleins d’essais depuis le début dans Curry & Coco et ce n’est pas fini. Nous avons commencé par jouer avec juste un clavier tout con. D’ailleurs c’est un hasard que j’en joue et que nous obtenions ce son là. Car c’est un clavier, un Antonelli, que l’on m’a donné dans une brocante ! Au départ, Töma avait sa batterie et je jouais de la basse et du clavier, puis ensuite de la guitare. Töma a essayé plein de chose au niveau de la batterie, du gong, des cymbales sur la caisse claire, des balais.
Töma : Et des percussions aussi. J’ai joué de la derbouka au concert des Nuits Secrètes.
Sylvain : Nous avons eu une résidence à la Maison Folie du Fort de Mons en juin 2006 et nous avons été un peu … FOUS ! Lors de notre concert, avec Romain (ndla : Le batteur des ex-Domestics, Deluxe Brothers et Birthday Pony), nous avons joué avec deux batteries. Aujourd’hui la formation c’est une batterie, avec percussions, sensible et ouverte à plein de jeux différents puis deux claviers. Nous avons vu l’apparition dernièrement d’un clavier basse.

Un clavier basse ?

Sylvain : Et ça, c’est la classe. Un petit clavier basse est rajouté sur le clavier, comme Les Doors. Ils n’avaient pas de bassiste, c’est Ray Manzarec qui jouait la basse à la main gauche.

J’écoutais encore dernièrement un titre comme "City kills Me" que tu jouais au début à la guitare, c’est clair que même au niveau du chant, le morceau a bien changé, ce n’est plus la même version.

Sylvain : La différence au niveau du chant c’est que je commence à apprendre à chanter, à moduler ma respiration, à dealer ma voix. Juste la contrôler pour être dans la puissance sans être dans le cri. A la fin d’un concert un mec nous a dit « Same Old Story j’aimais bien ! La façon de chanter je ne la retrouve pas aujourd’hui. Tu ne la fais plus pareil, c’est con ! ». C’est que je m’éclate à chanter, je trouve de nouvelles voix. Nous sommes un groupe jeune...
Töma : Il faut du temps pour évoluer aussi. Nous espérons toujours continuer à évoluer d’ailleurs.
Sylvain : C’est ce qui est cool ! Aujourd’hui nous avons vraiment des envies précises par rapport à ce que l’on fait, notre façon de jouer, les instruments que l’on veut utiliser, les façons d’arranger, d’écrire.

Justement, en ce qui concerne le travail d’écriture, de composition, comment cela se passe ?

Töma : Nous choisissons tout en commun. Nous avons chacun une voix comme en démocratie. Au début c’est Sylvain qui a commencé à écrire, mais finalement on se rend compte qu’il y a beaucoup de choses qui commencent à venir. Je participe pour les mélodies. Il n’y a pas de vraies règles établies.
Sylvain : Nous sommes un duo et même un couple.

Pacsé ?

Sylvain : peut être bientôt (rires) nous sommes dans des situations qui vont nous le permettre.
Töma : merci d’en parler !!! Je remue le couteau dans la plaie !!! (rires)
Sylvain : Il n’y a pas un fonctionnement de groupe, style : le chanteur amène la chanson, elle est déjà toute préparée et la batteur met un beat dessus, quoi ! Nous travaillons ensemble. Nous nous orientons mutuellement sur la recherche de la mélodie ou bien du beat. Car il y a une vraie recherche de rythme dans Curry & Coco, ce n’est jamais par hasard.
Töma : C’est super simple ! Cela se fait absolument tout seul. Nous n’avons pas un ordre, une logique de travail. Le fait de travailler, c’est se mettre à deux et jouer. C’est toujours ce qui s’est passé avec Sylvain. C’est hyper instinctif.
Sylvain : Ce n’est jamais intellectualisé à l’avance. On se ramène avec des bouts, des essais, des envies, des idées et tout se mélange pour créer un ensemble. Tu vois, Curry & Coco, c’est un groupe où s’il y en a un des deux qui arrête il n’existera plus ! C’est clair et net. Ce n’est jamais un groupe où l’on va pouvoir remplacer Töma ou moi, ou alors ce ne sera plus Curry & Coco.

Que pensez-vous de ces duos qui émergent sur la scène Rock ?

Sylvain : Je ne sais pas si cela vient des White Stripe ou des Black Keys, mais il y a une acceptation des duos dans le rock. C’est une forme qui est nouvelle, je n’ai pas vraiment de référence de groupes anciens qui fonctionnaient comme ça. Peut être que l’on découvre seulement maintenant que deux personnes qui jouent ensemble peuvent créer une relation d’échange. C’est super fort !

Curry & Coco comme Two Gallants sont des formations qui mettent en avant le batteur. Cela permet d’admirer le travail de bûcheron de Töma.

Töma : C’est une technique canadienne (rires). Enfin, je ne considère pas que je joue comme un bûcheron.
Sylvain : Tu ne frappes pas comme un bûcheron ? (étonné) Enfin, la force de frappe de Töma s’est sévèrement développée et il enfonce systématiquement une peau de caisse claire à chaque concert depuis deux mois !
Töma : C’est comme ça que je joue pour l’instant, mais je sais que je suis capable de finesse. Je ne cherche pas à jouer fort, c’est tout simplement parce que la puissance se prête à l’ensemble.
Sylvain : Töma s’impose en créant des rythmes qui prennent une certaine place. Ce qui permet de découvrir à quel point c’est beau un batteur. Le fait que Töma soit sur le devant de la scène et qu’on le voit je suis sûr qu’il y a des gens qui font attention pour la première fois aux gestes du batteur. Un batteur qui s’investit dans son instrument, physiquement, c’est un vrai spectacle. Tu as le son très chaud qui en sort, ce n’est pas rien. Mais surtout c’est un instrument que tu maîtrises uniquement avec ton toucher.

Vous répétez à La Malterie. Comment cela se passe t-il ?

Sylvain : La Malterie à une série de salles, qui sont gérées chacune par une association. Une salle est plus ou moins chapeautée par Tonton (nda : surnom de Michel Siraut créateur de l'Uncle Fabrik) qui nous a proposé de venir y travailler.

Depuis quand répétez-vous à la Malterie ?

Curry & Coco : Juillet.

Et auparavant ?

Sylvain : Chez Töma dans son petit salon.

Donc c’est chez Töma que vous avez enregistré votre démo que vous avez proposée pour le tremplin de Bougez Rock ?

Töma : A la maison !

Sur PC ?

Sylvain : Avec un ami ingé son, Yannick, qui a ramené son matos. Tout a été fait live en 2 jours. Le grand changement apporté par la Malterie c’est surtout l’électricité et les gros amplis de Tonton. Car chez Töma nous jouions sur des petits amplis, avec un son très sec, lo-fi. Et là nous nous sommes dit « c’est bon de faire du Rock’n’Roll » !

Quel est votre regard vis-à-vis des moyens et structures mis en oeuvre pour l’accompagnement des groupes ?

Töma : Ce que fait la Malterie c’est mortel !
Sylvain : C’est génial. Il existe une collectivité, une sorte de famille. Nous y sommes accueillis, nous y avons été programmés. C’est un des rares lieux sur Lille où il y a une effusion musicale.

En effet, La Malterie c’est vraiment la scène indépendante et alternative de Lille. Comment s’est déroulé l’enregistrement ?

Töma : Très bien, nous avons bossé avec deux ingé sons : Nicolas Chimot qui fait nos live et Jean-Philippe Martin. Nicolas Chimot a travaillé avec G.O.M.M., Laetitia Sheriff et the Domestics.
Sylvain : C’était le marathon. Nous avons transporté le home-studio du vieux Lille à La Malterie pour l’installer dans une autre salle de répétition faute de place. Puis nous avons relié les deux salles. Après avoir installé le matos nous avons commencé l’enregistrement. A deux ils ont enregistré, mixé et produit notre futur E .P. en deux jours.

J’ai déjà eu la chance d’écouter votre futur E.P. Vous avez enregistré plusieurs instruments.

Sylvain : Guitare, basse, clavier, clavier basse, hand claps, percussion et du stylophone joué par Jean-Philippe Martin sur "Day of May".

Vous êtes sous l’aile protectrice de Tonton et de L’Uncle Fabrik. Pouvez-vous nous parler de cette usine ? Comment cela s’est passé ?

Töma : Nous nous sommes rencontrés.
Sylvain : Il est venu à l’un de nos concerts au Balatum et il est venu nous revoir au Yéti, trois jours plus tard. Il avait accroché à mort et je pense qu’il avait sa petite idée en tête largement depuis un moment, celui de créer un collectif.

Et depuis quand date le collectif ?

Sylvain : Depuis septembre. C’est ultra jeune et en évolution. Uncle Fabrik c’est plusieurs groupes de la région lilloise rassemblés sous le nom de ce collectif. Pour l’instant ce qui nous rassemble ce ne sont pas des papiers, ni des contrats, c’est l’envie de jouer de la musique. Le principe, c’est l’union fait la force. Michel c’est notre manager, mais c’est avant tout le gourou de l’Uncle Fabrik. C’est le mec qui nous pousse à aller plus loin. Bizarrement, sur Lille il n’y avait pas vraiment de famille, pas de vie de groupe, d’effervescence entre les groupes. Je crois que cela va changer avec Uncle Fabrik. La démarche de Michel est de rassembler sous une même idée, sous un même nom de famille, des gens qui font de la musique, qui en font vraiment et qui y croient.
Töma : Et qui la font bien !
Sylvain : En effet, il y a quand même deux groupes du collectif qui ont participé aux présélections du printemps de Bourges. Ces groupes, Michel les a choisi avant les présélections, pas après. Il a quand même du pif !
Töma : c’est la nouvelle scène.


C’est toujours l’avantage d’internet. Permettre à tout le monde de communiquer sur son trip avec ce que ça comporte de positif et négatif


Quelles sont vos influences ?

Töma : J’écoute beaucoup de hip-hop – old school à mort – comme Public Enemy, Kool G Rap, Beasty Boys, mais aussi de la musique classique et du Rock des 60’, 70’ comme les Who.
Sylvain : je suis un grand fan des chansons qui marquent.
Töma : (le taquin) Helena Noguerra, Hélène Segara, Natasha Saint-Pier, Garou, Céline Dion c’est la base !!!
Sylvain : Pop, du tube ! "The Weight" de The Band, "You shook me all night long" d’AC/DC, "Gimme some loving" du Spencer Davis Group, "Beat it" de Mickael Jackson, "Like a Rolling Stone" de Bob Dylan. Des chansons bien branlées mais tout style confondu. J’ai des compilations de morceaux qui cartonnent. Je suis un fan des gros tubes mais tels que je les vois. Le groupe sur lequel nous nous retrouvons avec Töma c’est les Who et le rock théâtral de Genesis. Le mélange des influences de Töma qui écoute des musiques moins accessibles avec les miennes donne ce que nous produisons avec Curry & Coco.

Quels sont les albums qui vous ont marqué, vos derniers achats coup de coeur ?

Sylvain : Le premier album que j’ai acheté c’est Legend, le best of de Bob Marley, dont je n’écoutais que le titre "No woman, No cry" en boucle. Mes parents pensaient que je devenais fou.
Töma : Un album qui m’a vraiment impressionné c’est We insist de Max Roach. (ndla : Max Roach est un batteur, chef d’orchestre et compositeur noir américain qui s’est engagé dès 1958 dans la défense des droits civils du peuple noir américain)
Sylvain : Je me suis acheté Let it Bleed des Rolling Stone par fétichisme et ce mois-ci je fonce acheter 4 le nouvel album de G.O.M.M..

Question fashion. D’où viennent vos superbes tenues de concert ? Il faut avouer que le pantalon cigarette super moulant et le petit polo boutons fermés jusqu’au cou sont d’une classe terrible !

Sylvain : Tu veux la vraie version ou la version pour n’importe qui ? (rires)

Je veux la vraie version.

Sylvain : La veille du concert à l’Aéronef, avec Töma nous étions chez moi. Nous nous sommes dit « On ne peut pas se ramener avec nos T-shirt H&M© tout pourris sur scène ». Donc nous avons fouillé dans la garde robe et nous nous sommes déguisés en cherchant les fringues les plus moches ! Ca m’fait marrer de mettre un pantalon cigarette, en plus ça mets en valeur mon cul et ça excite les filles ! (rires)
Töma : Ca fait ressortir ton ventre aussi !

Vous avez votre site web, vous êtes sur MySpace. Que pensez-vous de ces technologies pour diffuser votre musique ?

Töma : C’est cool, c’est un bon moyen.
Sylvain : Ca marche bien. Les références MySpace sont de plus en plus notées au détriment des sites perso dans les magazines musicaux.
Töma : C’est toujours l’avantage d’internet. Permettre à tout le monde de communiquer sur son trip avec ce que ça comporte de positif et négatif.
Sylvain : Aujourd’hui quasiment tous les groupes ont une page MySpace. C’est un excellent moyen de se faire connaître, c’est notre vitrine avec nos morceaux, nos dates de concerts, nos graphismes et des photos. A un moment MySpace finira pas être saturé, ça devient un espace de publicité et de racolage ! C’est très utile, il y a des gens au Portugal, aux States qui ont Sex is fashion sur leur page perso.

Même vos amies japonaises ? (sur la page MySpace de Curry & Coco, le « Top Friends » est composé de japonaises.)

Sylvain : Là c’est Töma qui parle !!! (rires)
Töma : En fait, nous rêvons de partir en tournée au Japon. J’aime beaucoup l’esprit du Japon.

Justement, vous êtes prêts à vous investir dans le cas d’une tournée ?

Sylvain : Nous sommes prêts, nous ne gardons que des tafs alimentaires, mais l’investissement est total.

Car, il y a beaucoup de groupes qui se lancent aujourd’hui en rêvant d’une carrière tout en se disant que cela n’arrivera jamais.

Töma : Mais c’est tellement difficile. C’est chaud de faire de la musique. Car il faut vivre à côté, penser à bouffer, à payer son toit. Nous c’est notre but, c’est notre choix et nous sommes prêts.

Vincent GILOT aka Le Guise
interview accordée le 4 Janvier 2007
La grotte, Lille