On ne le dira pas assez, on ne l’écrira pas assez aussi, donc, on ne le répètera pas assez : les temps sont durs pour les musiciens. Coupés de leur principale source de plaisir, jouer sur scène devant leur public et également source de revenu, car c’est aussi durant ces moments privilégiés qu’ils peuvent vendre leurs albums et produits dérivés. Ce n’est pas avec ce que versent en retour les plateformes de streaming qu’ils vont pouvoir se faire un gros gueuleton donc je ne vous parle pas de survivre pendant une année de confinement. Faut pas rêver ! Les temps sont durs et il leur faut continuer. Continuer à y croire, continuer à répéter, continuer à composer, continuer à enregistrer. Et en aval du processus créatif, il faut simplement continuer à acheter des albums en privilégiant, tant que possible, les sites des groupes ou les disquaires indépendants. Cette période de confinement a complétement bouleversé les codes et relations entre les musiciens et leur public. Pour tous il a fallu se réinventer, modifier les modes de diffusion et de communication, user d’outils et d’artifices qui nécessitent haut débit et trop de G à vous donner le voile noir. Sur What’s Next ? The Sisyphus Sessions les limougeauds ne se réinventent pas mais dévoilent des nouvelles facettes de leur talent et de leur potentiel musical qui devraient surprendre les mélomanes. L’album se démarque par deux faces bien distinctes.
La première face se compose de trois morceaux. Le premier « Intimate Hearts » avait été enregistré durant la réalisation de Sisyphus, puis écarté lors de la sélection des titres pour la version finale de l’album. En effet, c’est un morceau sombre à l’ambiance pesante qui détonne avec le climat solaire qui inonde l’album. Pour cet E.P., les 7 Weeks ont composé une nouvelle chanson qui s’intitule « My Valhalla » qui s’inscrit dans la continuité de Sisyphus par son énergie irradiante et débordante. La surprise arrive avec la reprise de « Cirkus » de King Crimson. Pour ceux qui ne le savent pas, au cas où, King Crimson est un groupe emblématique du Rock progressif des années 70, emmené par le guitariste anglais Peter Fripp. Le groupe est essentiellement connu pour son premier album In the court of the Crimson King et sa célèbre pochette peinte par Barry Godber. Elle représente la face d’un homme hurlant qui fait la joie des dentistes et des ORL car ils peuvent admirer sa dentition jusqu’au fond de sa glotte, faites « Aaaaaaahhhhhh ». Fin 1970, King Crimson sort Lizard, un troisième album toujours progressif mais qui s’aventure dans le Free Jazz. « Cirkus » est la chanson qui ouvre l’album. Comme me le confiait Julien Bernard, King Crimson a toujours été un groupe important qui fait partie de ses influences. Reprendre « Cirkus » était une gageure, un vrai challenge avec un gros travail des musiciens pour s’approprier le morceau sans en faire une pâle copie voire le dénaturer de son essence. Un travail payant ! En effet, les 7 Weeks ont réussi à présenter une version très personnelle de « Cirkus ». Forcément la voix plus grave de Julien n’a rien à voir à celle de ménestrel de Gordon Haskell Mais l’on retrouve la dynamique et les envolées. Une reprise plus Rock et punchy avec ses belles parties de guitare espagnole (jouées par Gérald Gimenez) et textures de synthétiseurs. Sur la deuxième face, les musiciens interprètent en acoustique « Gone », « Idols » et « Sisyphus », trois chansons du dernier album Sisyphus. Les compositions sont légèrement dépouillées, pour mettre en valeur la chaleur de la guitare acoustique ainsi que la voix profonde et grave de Julien Bernard, tout en conservant les arrangements de claviers afin de conserver le relief et l’atmosphère des chansons.
Comme pour Sisyphus, la réalisation de la pochette a été confiée à Gilles Estines. Nous retrouvons, encore, un vortex qui cette fois sort des eaux troubles d’un fjord avec deux corbeaux. Je laisse les explications potentielles aux adeptes du symbolisme. D’un point de vue, très personnel, je trouve que les deux vortex des pochettes s’associent presque comme deux pièces d’un puzzle. En tout cas, en cette période de confinement, sans concert, cet EP est comme un petit cadeau très agréable et sympathique qui démontre à ceux qui en douteraient le potentiel musical des musiciens et qui pose 7 Weeks comme une valeur sûre d’un rock intransigeant et sans complexe. Le titre du disque nous invite également à nous questionner sur les suites de cette pandémie et de son impact sur l’ensemble de la société et évidemment sur le monde du spectacle et de la culture. Et après ? Jacques Brel hurlait « Au suivant », qu’est-ce que sera le prochain ? On pourrait se faire une variation à la Quicksilver Messenger Service en mode QQOQCP. Le prochain quoi ? Si c’est du Monde de demain, il commence aujourd’hui, même si je soupçonne qu’il a probablement déjà commencé hier. Je vous laisse à vos réflexions, je ramasse les copies dans 4 heures.
Vincent GILOT aka Le Guise
16 Mai 2021