Les sales gosses sont de retour ! Planquez les bières. Attention, ces deux zouaves, copains comme cochons, il ne faut surtout pas les prendre pour « Laurel et Hardy » sinon ils vont vous retourner la baraque (à sons) et vous jouez « Le soir des Lions ». Après un premier EP franchement « divertissant » qui ne manquait pas de « fierté », le duo mancunien par influence, arrageois fiscalement et rabat-joie si t’insistes, arrive (mais n’ai-je jamais fait rien d’autre qu’arriver) avec leur premier album.
Ce duo répond au joli nom de BAASTA ! …alors laisse tomber. Après avoir joué dans les salles régionales, remporté le tremplin du Main Square, éprouvé leurs morceaux, chantés en français dans le texte, avec les publics belges et anglais, ce premier album était le pied-dans-la-porte pour sortir des sentiers battus et rebattus. Playing out of the box. Mais ce premier album prometteur (comme l’écrivent les journalistes spécialisés) est sorti en début d’année en pleine période de pré-confinement (car il y aura un avant et un après). Le coup du pétard mouillé qui a touché beaucoup de groupes. En fait cet album s’intitule assez justement PAANIC... Il aurait été difficile de faire mieux, non ?
BAASTA ! est un duo complémentaire et indissociable comme le yin et le yang, la bière et le Picon, les frites et la mayo, l’arrogance et le panache. D’un côté l’Arrogance du Mod biberonné à la scène de Madchester et du Rap. Tout ce qu’il a sur le cœur, FX te le crache à la gueule avec des textes sans fard et une guitare aux riffs acérés. De l’autre côté de la balance, le Panache, entre Punk et Hard-Core. Le sourire du VRP en lingerie fine, le séducteur en Ray-Ban. C’est lui, Yohan, qui tient la baraque avec sa basse. Comme le batteur prend accessoirement trop de place, cela peut devenir compliqué pour partir en tournée en Fiat 500. Donc, BAASTA ! a décidé de s’en passer. Alors pour colorer ce cocktail enivrant, les musiciens utilisent, comme Ludwig 88 avant eux, une boite à rythme agrémentée de quelques loops, bidouillages synthétiques et autres programmations qui tiennent sur une clé USB. Ceux-ci ont l’avantage de jouer juste et de ne pas boire de bière, par contre il faut posséder une panoplie de blagues foireuses lorsque la technologie décide de vous faire défaut en plein concert. Panique ?
Keep Calm and Listen to BAASTA ! Le disque se présente d’abord par une pochette dont l’originalité est la mise en abyme c’est-à-dire, la représentation de l’image dans l’image et donne cet effet de répétition quasiment à l’infini de la pochette. Principe utilisé également par Pink Floyd sur Ummagumma. C’est un style très largement utilisé en littérature ou au cinéma. Cela me donne l’occasion d’ouvrir une petite parenthèse intellectuelle et philosophique. L’origine de l’image, n’est-ce pas toi lorsque tu sortiras le disque de sa pochette pour le poser sur ta platine ? Cette mise en abyme conditionne l’auditeur à la réflexivité. En effet, la pochette renvoie ta propre image afin de réfléchir sur ta propre conscience. C’est d’ailleurs ce que vous pourrez découvrir à l’écoute de ce disque. Ah, ah ! Vous vous imaginiez qu’un duo originaire du Pas-de-Calais devait être forcément une union de consanguins et d’alcooliques (version plus soft de Ex-Drummer), dans ce cas vous pataugez dans un océan de stéréotypes. Car ces musiciens n’ont pas de la mozzarella dans le cerveau, ça turbine, ça cogite … Bon on s’l’écoute ce skeud !
Face A comme Arrogance. Une sonnerie retentie. C’est la fin de la récré ? School’s out ? Non, c’est juste un signal d’alarme. Une alarme qui n’en finit plus d’être tirée et qui dure. Réchauffement climatique, 1% de la population qui possède 99% des richesses, puissance des lobbies, croissance démographique exponentielle, une humanité qui consomme ses ressources annuelles en 6 mois. Ça ne vous dit rien ? Ça ne vous rappelle rien ? Au son de l’alarme, la peur s’installe …ça hurle ! « C’est la panique, oui mais pour moi ça va, ça va ». L’album s’ouvre sur « Paanic ! » une chanson plus qu’actuelle, complétement ancrée dans la réalité du monde de la consommation effrénée ; un monde de plus en plus et individualiste dans lequel nous vivons pour certains et survivons pour d’autres. Soutenu par une basse joyeuse, FX nous raconte l’existence égoïste d’un CSP+ qui bosse dans Com’. Il ne pense qu’à sa pomme et il nous invite à en faire autant. Un portrait au vitriol d’une génération décadente et insouciante voire nihiliste. Au regard des comportements durant le confinement, comme cette fille qui avait volé des masques à sa mère pharmacienne pour les revendre 6 euros pièces, on comprend mieux l’impact de cette chanson. Boite à rythme et basse cyclique annoncent « Loser », un bâton de dynamite pour exploser le statut du mâle dominant et le machisme. Alors que les politiques ne cessent de débattre depuis trop longtemps sur l’égalité homme / femme, cette chanson protestataire souffle un petit de fraicheur qui nous rappelle que « la femme est l’avenir de l’homme. ». Aux Jeux Olympiques de Mexico en 1968, un sportif a révolutionné la discipline du saut en hauteur en développant une technique de franchissement dorsale bien plus performante que la technique dite du ciseau. Cela devrait vous rappeler vos cours d’EPS. Baasta met en pratique le « Fosbury » à grand coup de boucles synthétiques entêtantes pour franchir les murs liberticides qui se dressent devant nous. « On sautera vos barrière façon fosbury les yeux au ciel. ». Cette chanson révolutionnaire est une ode à l’éveil des consciences et une invitation à l’action « Mais qu’est-ce que t’attend pour ouvrir les yeux, la révolution ne sera pas podcastée. ». La révolution continue, mais cette fois-ci, elle a lieu au bistrot, les bières ont remplacé les cocktails Molotov, le comptoir remplacé les barricades mais les idéaux sont toujours pugnaces. Chargez… et glou et glou… « Nos utopies d’hier se sont noyées dans la bière ». Dans les soirées bien arrosées que ce soit comme dans Un singe en hiver ou bien Nuit d’ivresse, les nuits sont pétillantes et euphoriques mais les réveils sont malheureusement difficiles. Cette chanson inspirée par des soûls sous-mariniers, grands seigneurs des profondeurs et de la picole, nous rappelle que nous devons faire preuve d’humilité lorsque devant la glace les héros de la nuit ont perdu de leur splendeur. « Le soir des lions, le matin des couillons ». Ben oui ! Où t’as rangé l’aspirine. C’est la seule chanson de leur premier EP qui figure sur l’album. « Le soir des lions » est un hymne Punk rafraichissant avec une touche épicée par une guitare aux riffs abrasifs qui donne forcément soif. Mais soif de quoi ? Sur « Fin du monde » le duo dénonce l’affichage sans pudeur ni filtre de la vie privée des individus sur les réseaux sociaux. « Si ça t’intéresse, ça ne m’intéresse pas ». Un strike punchy et Punk qui balaye tous les stéréotypes symboles d’un bonheur virtuel et d’une vie égocentrée dégoulinante de mièvrerie. « Tu nous caches rien et tu nous dis tout et plus on apprend et plus je m’en fous ». Ces réseaux sociaux gratuits capitalisent vos données et vous dérobent un bien tellement précieux : votre temps. Comme l’écrivait Peter Drucker « Si c’est gratuit, c’est que c’est vous le produit ». Je vous invite à lire sur ce sujet « La civilisation du poisson rouge, petit traité sur le marché de l’attention » de Bruno Patino et « Le Bug humain » de Sébastien Bohler. L’arrogance laisse la place au panache. Nous passons du blanc au noir. La face B débute avec « Jamais » une chanson dont le refrain évoque une aventure de James Bond « Il ne faut jamais dire jamais ». Mais ce n’est pas pour autant un morceau de Ska à la Selecter ou à la Bodysnatcher. Sur ce titre teinté Post-Punk avec une guitare au son clair et métallique FX dessine un autoportrait composé d’un patchwork comique de ce qu’il ne sera jamais, ce qui lui permet au passage de lacérer les comportements qu’il exècre. Une plume proche d’un style railleur et pince-sans-rire à la Lanzmann – Dutronc. Finalement restons soi-même, simple et humble. « Je ne suis pas un super héros et c’est beaucoup mieux comme ça … tu m’étonnes. ». Une boucle synthétique avec une basse cyclique nous invite sur « Fais pas ta ballerine » à oser, à nous libérer de nos propres carcans pour réaliser nos desseins et passer à l’action. Le chant est rageur comme pour mieux secouer, réveiller, sortir de leur torpeur les individus engoncés dans leur vie facile et rangée. La boite à rythme se transforme en boite à claques. « S’ils t’empêchent de rêver, empêche-les de dormir. Même si c’est à l’arrache fais-le avec panache ! ». Alors camarade as-tu choisi « Ton camp ? ». FX nous dresse un inventaire manichéen à la San-Antonio de choses que tout oppose, du groupe de Rock, à la marque de guitare. Pourquoi choisir, de toute façon « on restera juste anarchiste ». Le sens profond de cette chanson est que malgré la possibilité du choix, les dès sont pipés. Cela n’est qu’illusion. D’où cet instinct de mort symbole d’un malaise « Quand je vois vos règles du jeu, j’espère mourir avant d’être vieux ». Mais avant cela, il y a encore des combats à mener, des attaques à lancer, « faire la chasse aux cons et leur putain de harpons ». Comme lors de l’attaque de Pearl Harbor par les Japonais le 7 décembre 1941, le cri de guerre est « Tora ! Tora ! Tora ! ». Le tigre sort ses griffes et va bondir sur sa proie. Il s’agit d’un chant guerrier contre ceux qui détruisent et exploitent la biodiversité au profit du capitalisme. La nature n’est pas une marchandise ! Une chanson dont pourrait faire sienne Sea Shepherd. Le chant est belliqueux, les riffs sont violents et acérés, le rythme martelé est percutant comme un uppercut. L’album se clôture avec une folle envie de vivre sur « Choisis la vie ». Un morceau Post-Punk entre Gang of Four et Joy Division avec un phrasé proche de Fauve. Un texte cinglant contre les travers de notre société de consommation (mondialisation, exploitation, surconsommation, pollution.), le manque d’esprit critique dans un monde formaté par la société du spectacle qui se traduisent par une passivité « comme John et Yoko commence la révolution en mode flémard ». Et un petit coup contre le triptyque de la presse à la pensée formatée : « Inrock, Télérama, Libé ». Sont-ce les signes d’une société décadente ? Alors « arrête tes conneries et choisis la vie ».
Ce premier album est un manifeste révolutionnaire devant le constat alarmant de la dérive de notre humanité impassible et aveuglée depuis longtemps par les sirènes de la consommation. Comme l’écrit Victor Hugo « Il vient une heure où protester ne suffit plus, après la philosophie, il faut l’action ». PAANIC... est un cocktail Molotov composé de Punk clouté et noyé d’anarchisme près à s’enflammer. Des gros coups de gueules pour réveiller les consciences et briser les chaines de notre asservissement volontaire qui annihile toute volonté. Nous sommes dans l’ère du « Je consomme donc je suis ». Baasta ! dresse des instantanés cinglants et cyniques de notre société ultra-connectée dans l’esprit des Kinks ou de The Jam. Nous pouvons retrouver quelques similitudes avec le duo Thomas Winter et Bogue (« J’ai rendez-vous », 2003). Le duo est déjà moins minimaliste de Sleaford Mods : duo anglais composé d’un chanteur et d’un buveur de bière derrière un écran d’ordinateur qui gigote autant qu’un morceau de Jelly, une sorte de bez mais amorphe ! En effet, les compositions sont variées et énergiques car la basse tient toujours la baraque alors que la guitare éborgne et lacère tout sur son passage. PAANIC... est une bouffée de fraîcheur utopiste après une flambée révolutionnaire. Alors chargez !
Vincent GILOT aka Le Guise
7 Juin 2020