Pain & Pleasure

2019

www.bisonbisou.com

01. New Grounds
02. Parth in the Whirl
03. Dad Tomb
04. Summer Eye
05. Nostalgic Pleasure
06. Bye Bye Cold Riot
07. Moist Ends
08. Parking Lot
09. Paralell Power
10. New Friendship
11. Peaches Forever

Comme à son accoutumé Régis, enfin Bill, siège derrière le bar du Wild West Circus, reconnaissable à sa veste à franges. Quand il jongle entre les bouteilles et passe gracieusement de la bière pression aux bouteilles de Jack, elles virevoltent de partout, on dirait un ballet de méduses sous LSD. C’est un cinéphile le Régis, un passionné. Il a eu sa période armure et côte de maille après avoir visionné Holy Grail ; un peu lourd à porter et bruyant. Puis ce fut Pulp Fiction et la combinaison en latex moulant. C’est à cette période qu’il a brutalement décidé de changer le nom de son Pub : le King Arthur devint le Fuckin’ Blue Boy. Coup de comm’ ? Je n’en sais rien ! Va comprendre comment ça tourne là-dedans. Il y a bien eu de nouvelles têtes pendant un moment qui sont vite reparties déçues mais bizarrement la clientèle est toujours restée fidèle. Depuis quelques mois, sa nouvelle révélation, son nec plus ultra, sa lubie : le daim ! Merci Quentin Dupieux. Heureusement qu’il n’a pas regardé Rubber sinon, le bistrot serait devenu une succursale de Michelin. Imagine le Régis en Bibendum. C’est vrai qu’il a déjà les rondeurs. Maintenant, 7 jours sur 7, il est sapé en peau de Bambi de la tête aux pieds. Et puis fini du Régis, maintenant c’est Bill. Ouais, comme Buffalo Bill, le clown génocidaire. Il a même acheté un bison ! Non pas un vison Tournesol. Un bison avec un B comme une grosse mite.
Ce soir le bar semble bien vide alors qu’il y a concert. Je m’accoste au comptoir. Bill torchon sur l’épaule range ses verres. Je claque ma paluche sur le zinc à défoncer le buzzer comme s’il s’agissait de répondre à Question pour un champion.
- « Salut Bill, tu me sers un Jack » je lâche comme si nous étions cinquante.
Imperturbable, il se retourne doucement, même pas surpris. C’est moi qui le suis ! Je suis pétrifié. Il a la tronche comme une aubergine. Il s’est mangé des pains ? la soirée s’est terminée en Play Blessures ? Il est devenu fan d’… Elephant Man ?
Je n’ai pas le temps de le questionner qu’il lâche
- « J’ai voulu embrasser Rebecca »
Rebecca c’est le prénom qu’il a donné à son bison, en l’honneur d’une journaliste musicale de France Inter.
Je me permets de lui demander si sa tendre brouteuse des prairies était d’accord devant cette invitation cavalière.
- « Si, si … » dit-il en cherchant à me rassurer, « Elle a juste voulu mettre la langue »
C’est l’amour vache ! Faut vraiment être futé pour vouloir rouler une pelle à un bison ! Comme dit le philosophe-culinaire Brillat-Savarin en voulant saucer son assiette « Là où il n’y a pas de pain, il n’y a pas de plaisir. ». Euh … je me suis gourré dans mes notes. Soit, quand le zoophile rencontre le sado il faut vraiment être maso ! C’est comme la bifle de buffle c’est extrêmement dangereux. Entre le plaisir et la douleur il n’y a parfois que quelques centimètres.
Afin de changer de sujet, je lui demande qui vient jouer ce soir. Il souffle d’épuisement et s’assied. Il me regarde tristement et balbutie :
- « Bison Bisou ! Tu as écouté leur nouvel album Pain & Pleasure ? ».

Tu parles que je l’ai écouté et pas qu’une fois. Deux ans après Bodysick, les 5 lillois reviennent en force avec Pain & Pleasure. D’abord il y a cette pochette. Un vert flashy qui ferait passer les bleus de Klein pour un vulgaire papier peint ; suffisamment moche pour décorer une chiotte. Ce n’est pas un vert glauque, celui-ci est teinté d’espoir et d’énergie. Et de l’énergie, il y en a dans cet album. Elle déborde de partout. « New Grounds », le premier titre, commence par une sorte de drone rapidement écrasé par une cavalerie de guitares torturées et une canonnade de batterie. Un son qui ressemble à ton voisin en rage lorsqu’il tambourine à ta porte en hurlant d’arrêter ta musique de merde. Tandis que la batterie martèle, Charly pousse des plaintes d’une voix léthargique qui semble sortir d’outre-tombe ou bien d’un sommeil trop profond. Rapidement, arrive un break mais c’est la basse qui tient la baraque, avec un son rond et lourd. Puis, tout s’enchaine pour nous inviter à rejoindre le rang des zarbi ! « You've just said you wanna preach and welcome in the church of weirdos. ». Entends-tu les vagues qui déferlent ? Trop tard nous sommes emportés par la lame et aspiré par le tourbillon de « Path in the Whirl ». Inutile de jouer à cache-cache. Libère ton âme et laisse ton corps suivre le beat. C’est ça. Tu danses. Impossible de résister « Trust me when you’re slide ». Nous sommes noyés dans le flot de guitares noisy et stridentes. Sauras-tu trouver le chemin ? Juste une guitare au son quasi claire avec un beat monotone et lointain annonce « Dab Tomb » avant qu’un « Deaf Tongue » hurlé et plaintif ne détruise ce fragile équilibre et sonne la charge. Chez Bison Bisou le calme est toujours éphémère et fugace. Une belle chanson sur l’amour d’un fils pour son père disparu. « I Love You Father ». On reprend sa respiration sur « Summer Eye ». Un morceau planant et aérien pour accompagner l’ennui et retrouver la quintessence de la transe « Let the trance get in ». Les plus attentifs remarquerons que « Summer Eye » se fond et s’enchaine discrètement sur « Nostalgic Pleasure ». Est-ce pour mieux en finir avec la souffrance et enfin pénétrer dans le plaisir ? Il faut s’attendre à tout quand « Pleasures always come down with a basket of fruits from hell, exotic hell. ». Qu’est-ce qu’il y a dans ton panier Candy Girl ? Des pêches peut-être. En tout cas, les cordes des guitares sont lacérées tandis que la basse ne quitte pas la ligne blanche pour fondre dans un blanc. Puis arrive « Bye Bye Cold Riot » avec un regard froid et dramatique sur notre société où « Riot coming home, windows are TV screen, Life is no reality ». Elle est finie l’époque de la petite vieille qui passait sa journée à mater les aller-venus de sa fenêtre, maintenant elle à BFM ! Shit. Bison Bisou remonte dans les tours avec « Moist Ends » où nous regardons la décennie des imbéciles pour définitivement partir en vrille sur « Parking Lot ». Là nous sommes complétement dans le rouge avec des parties noisy-expérimentale au Beat syncopé. C’est le manège désenchanté sous LSD. Torture never stop ! Polaroïd et charge de cavalerie pour vaincre la solitude de « Parallel Power ». Alors que nous sommes sous hypnose avec « New Friendship ». Un morceau en apesanteur de courte durée car nous sommes très vite rattrapés par le vivifiant « Peaches Forever ». Morceau composé en deux parties distinctes, la première est marquée par un beat syncopé, mais fatigué de merder, il bascule sur l’entêtant refrain « Forever is Forever » puis s’interrompt brutalement en nous laissant sombrer dans la transe. On se demande ce qui se passe. Puis, on se love en se rassurant car les pêches sont éternelles.

Il faut remarquer que ce nouvel album aux textes débridés et hallucinés porte une musicalité dans le choix des mots pour leur assonance et allitération. Il laisse une grande liberté à l’expérimentation noisy des musiciens avec beaucoup de rythmes syncopés et des maelstroms sonores hypnotiques. Sur scène on capte encore mieux toute l’énergie déployée par le groupe ainsi que sa générosité pour offrir un vrai moment Rock live.

Je suis rincé. Ça sent la sueur et la bière. Mon perfecto me colle à la peau. Je double le cap des bières pressions, où des bancs de Rocker en manque de malt se sont échouées, et vire rapidement vers la sortie pour prendre l’air. Là, il y a cette nana avec une pèlerine rouge qui s’approche de moi. Elle prend gentiment ma main et la met dans son panier. Je sens des rondeurs fermes sous une peau de velours. Ses lèvres sont sucrées. C’est évident « Peaches are forever ».

Vincent GILOT aka Le Guise
2 fevrier 2020