Rockfarmers

2016

http://www.theinspectorcluzo.com

01. Rockfarmers
02. I’m a Japanese Mountain
03. Lost in tradition
04. Fishermen
05. Kiss me
06. Estiu theme
07. The Run
08. GMO and Pesticides
09. Alright Georges
10. Quit the Rat Race
11. Abu
12. Stars are Leavin’
13. Erotic
14. Romana
15. Lonely Man

Des coins coins, le bruit strident d’une bande magnétique qui se rembobine, une guitare stratosphérique qui souffle avec beaucoup d’effet des notes aériennes comme les duvets qui se dispersent au gré du vent un jour de plumère. Il y a des signes qui ne trompent pas. Dès les premières secondes d’écoute de « Rockfarmers », morceau instrumental qui ouvre ce cinquième album, je sais que l’âme d’Hendrix plane sur ce double album. Rockfarmers aurait pu s’intituler Electric Duckyland. Que de chemins parcourus et de concerts donnés à travers le monde, que d’évolutions et d’enrichissement de leur style depuis leur premier album. En parfait, Rockfarmers, The Inspector Cluzo continue de tracer son sillon créatif, de labourer les terres fertiles du Rock, de planter ses graines au plus près des racines du blues et de partager les fruits de leur moisson. Un titre qui prend forcément une autre dimension lorsque vous découvrez que nos Rockers sont également fermiers. En effet, ils ont acheté une vieille ferme en Chalosse où, entre quelques concerts, ils s’adonnent à leur nouvelle activité : l’élevage de canards et d’oies. Loin de la langue de bois, ils mettent en pratique le discours qu’ils tiennent depuis des années par une agriculture respectueuse de l’environnement, basée sur des techniques traditionnelles transmises par les anciens dont les regrettés et très chaleureux Marcel Duboscq et Maurice Lacrouts.

L’album se compose de chansons influencées par leurs pérégrinations musicales riches en rencontres humaines. Comme avec Javier Arturo Devia Quintero, Professeur d’économie à l’université de Cali en Colombie qu’ils ont rencontré lors du Unirock Internacional Alternativo Festival en 2014. Ils ont pu échanger autour de sujets préoccupants comme l’utilisation de semences libres et l’effet néfaste de Monsanto sur l’agriculture. Un thème cher à notre duo landais qui dénonce le viol par Monsanto de notre droit inaliénable de cultiver librement. Après « Move over Monsanto » sur Gasgonha Rocks, nos agrirockeurs qui défendent un Rock pur joué à 4 mains et sans ordinateur de merde, conseillent de se passer de tous ces pesticides qui détruisent le biotope, la diversité et la fertilité de nos sols avec « GMO and Pesticides ». Un morceau plein d’ironie qui fleure bon(anza) comme un générique de Far West avec harmonica et tout’l’toutim. Le groupe qui a joué plusieurs fois au Fuji Rock rend hommage au pays du soleil levant avec « I’m a Japanese Mountain ». Fuji ! Un mont plein d’énergie qui permet de se ressourcer et de se sentir fort comme une montagne. Certains peuvent imaginer que les Cluzo ont oublié de tourner avec la planète, que ce sont des décroissants restés ancrés à des traditions passéistes. Que nenni ! Ils veulent juste, comme ils l’expliquent sur « Quit the Rat Race », quitter cette vie citadine speedée, faite de pollution, d’isolement et de stress qui ne leur correspond pas pour renouer avec la terre et donner du sens à leur existence comme l’avait élégamment mis en image Manu Larcenet sur sa bande dessinée Le retour à la Terre. Cette chanson résonne comme la réponse voire la conséquence du « Yuppie Way of Life Blues ». Sur « Fishermen », il chante avec beaucoup d’humilité, une autre de leurs valeurs fondamentales, la Famille avec le refrain « You want to do what is right for your family ». J’ai un petit faible pour « Alright Georges », ce marginal, hors du commun, unique en son genre, qui rêve de retrouver son Everlee. A chacun sa quête !

Même si les textes sont porteurs de sens et de messages, il reste suffisamment d’espace pour que les instruments puissent s’exprimer librement. Ainsi nous pouvons passez de l’ambiance jazzy de « Fishermen » à une guitare disto et aérienne sur « Kiss me » voire s’aventurer sur l’instrumental « Abu » dans l’univers planant de « Maggot Brain » du Funkadelic. Eddy Hazel fait partie des idoles de Laurent. C’est surtout un morceau sur l’amitié, une manière de remercier leur ami Taïwanais Chris Chaos, qui dessine toutes les pochettes du groupe depuis French Bastards. Puis c’est Lenny Kravitz qui vient groover sur un « EroTIC » charnel et chaud brulant puis se lanciner sur « Romana ». C’est du Rock Côte Ouest, on patauge dans des vagues de disto, les fuzz déferlent sur les Rock…aïe ! Quand l’océan n’est pas si freak, c’est chic !

The Inspector Cluzo nous offre un double album, au style décomplexé et épuré, mixé à Nashville par Vance Powell connu pour son travail avec Jack White, Seasick Steve et Tinariwen. Il se présente dans un livre richement illustré et comporte également un DVD documentaire. Un joli cadeau à écouter, feuilleter et visionner, en dégustant quelques produits de la ferme Lou Casse. Lou Casse c’est le chêne en gascon. Un arbre dont les racines sont bien ancrées dans la terre comme le Blues. Tout un symbole !

Vincent GILOT aka Le Guise
3 Août 2017