220 kV

2014


http://www.poncharellorock.com

01. Do it Yourself
02. Back From the Grave
03. 6 Seconds
04. Bring Out The Dead
05. Silver Plate
06. Barstool
07. Wrong Train
08. Dry
09. Snake in the Grass
10. Kawasaki Todoroki Express
11. Under the Surface

Lycée Jim Marshall. La cour drapée des premières feuilles mortes annonce l’automne ; sous le préau les pas, des derniers retardataires qui se pressent de rejoindre leur classe, résonnent faiblement dans les escaliers. Quel calme. Peu avant que le professeur rentre dans la salle de classe, il règne – généralement – un fond sonore qui résulte du produit de bavardages creux additionnés à quelques rires crétins, en un mot, du brouhaha qui se dissipe à l’arrivée dudit professeur en suivant assez fidèlement la courbe de décharge du condensateur (voir figure A.). La vitesse de réduction du brouhaha étant proportionnelle au charisme ou à l’autorité de l’individu voire à la puissance vocale lorsqu’il hurle « SILENCE ». Le Générale ment et ce n’est pas bien, Mon Colonel, car toute règle quelque soit sa longueur peut avoir une exception et celle-ci mesure un bon mètre quatre-vingt avec une tolérance d’un talon aiguille. Clac clac clac. La douce musique de ses Louboutin qui martèlent le couloir austère du lycée ébloui la classe comme l’éclair qui zèbre le ciel noir et menaçant d’un ciel orageux où se caressent et s’entrechoquent les masses d’air survoltées pour annoncer le cours. Electricité et électronique … Rhaaaalovely ! Quand Laure Gasme arrive les élèves se retiennent, les miaulements et les cris s’étouffent dans d’agréables souffrances. Même les mouchent s'arrêtent de voler afin de réaliser un silence parfait.
« Bonjour ! C’est toujours un plaisir d’arriver dans une classe aussi calme. Aujourd’hui nous allons étudier le phénomène de Poncharello. » dit-elle en ôtant son Perfecto qu’elle lance négligemment sur le bureau.
Débutant son cours sans tarder, elle se déplace sur l’estrade avec l’élégance d’une chatte et explique les règles fondamentales aux élèves qui n’en perdent pas une goutte.
« Comme vous le savez déjà U égal RI. Le phénomène de Poncharello se produit lorsque la tension atteint la valeur de 220 kV également appelé climax électrique. A cet instant précis, la résistance se relâche pour libérer un maximum d’intensité. Evidemment, nous sommes face à un phénomène excessivement exothermique. » récite-t-elle avec énormément d’enthousiasme.
« Mais ne perdons pas un instant, je vous invite à mettre en pratique immédiatement ce phénomène Rock’n’rollesque en écoutant l’album de Poncharello » propose-t-elle sans avoir oublié de rappeler les règles de sécurité concernant les courants à haute tension.
Elle glisse le disque dans le lecteur de CD.
« Après plusieurs années de recherche sur les phénomènes du Rock Supersonic avec Fuzz You puis Turn on, Tune in, Drop out, je ne vous cache pas la satisfaction des scientifiques de découvrir enfin 220 kV ! » Glousse-t-elle en détachant ses longs cheveux bruns trop longtemps emprisonnés dans ce chignon austère.

L’album s’ouvre sur « Do It Yourself ». Ce leitmotiv Punk cache en fait un gros stoner efficace et fuzzy. Je ne sais pas si la technologie peut nous permettre de tout maitriser, en tout cas Poncharello maitrise le break où la basse et la batterie martèlent un groove implacable. Les élèves ne quittent pas des yeux les déhanchements de leur professeur. Les veinards du premier rang, en panne de kleenex, chassent du revers de leur manche la bave qui file de leur bouche bée. Les mômes ressemblent à des zombies d’origine contrôlée « Back from the Grave ». Ce titre très Rock rappelle ces compilations de Rock Garage dont l’illustration avait été reprise pour un album de Jon Spencer Blues Explosion. Si vous vous demandez comment ces groupes de Rock conjuguent la lose et leur dévotion au Rock, vous trouverez peut-être des explications dans le dictionnaire du Rock illustré de Riff et Arty. En fait, les galères de la crevaison à la baston, les plans foireux aux cachets de misère sont la quintessence du Rock qui fait toute la richesse des anecdotes que tu racontes en fin soirée au El diablo. Whatever happened the show must go on. Cette prof c’est de la souris comac. Elle a des jambes aussi longues qu’un jour sans pain. C’est de Laure en barre, un joli paquet emballé dans des bas satinés et une robe noire moulante. Mon esprit vagabonde, s’évade et rêvasse devant la Naissance de Vénus revue et corrigée par Helmut Newton, alors que sur mon burlingue, les albums s’entassent, le travail s’accumule. Je manque de concentration ! Tu parles, Charles. D’après des chercheurs d’une université du Sussex, il parait que les mecs y pensent toutes les « 6 seconds ». Poncharello nous l’explique dans un Rock à l’énergie juvénile avec des wouh où les guitares se répondent. La basse de Monsieur Poule ronronne pour scander un « Bring out the Dead » entêtant avec une disto old school. Au-delà du clin d’œil aux Monty Python, le chanteur guitariste, Bob Swann me confiait que c’était une vieille chanson qu’il jouait lorsqu’il était étudiant à Strasbourg dans les années 90. Depuis toutes ces années, rien n’a vraiment changé, la situation aurait même empirée, la télévision, virus insidieux, s’est imposée comme la religion des esprits creux, formatés et conditionnés pour suivre le troupeau. Depuis l’affaire de la pomme et de la rupture du bail au jardin d’Eden, les relations sont parfois un peu tendues entre les deux sexes ! En amour quand c’est houleux vaut mieux avoir le pied marin. Souvenez-vous de « Hey Joe », le grand Jimi n’y allait pas avec le dos de la cuillère avec son Blue Steel 44. Poncharello flingue le vaisselier et bazarde l’argenterie de votre arrière-grand-mère en guise de vengeance amoureuse avec un « Silver Plate » qui flirte avec un Queen of the Stone Age lancinant. Un mid tempo agréable qui change des morceaux joués pied-au-plancher. Quand il y a de l’orage dans l’air avec ta douce, que le ciel bas et lourd va t’envoyer les fleurs du mal en pleine tronche avec une volée de reproches. La meilleure solution est d’attendre le passage du grain et du chagrin dans un troquet comme vous le conseillerez ce vieux dégueulasse de Bukowski. Je vous entends d’ici me dire que l’alcool ne résout pas les problèmes. Mais l’eau non plus ! Il ne faut pas abuser du Jack sinon le gars bourré sur le tabouret risque se casser la gueule. En tout cas, ce « Barstool » ne manque pas d’équilibre. Ce morceau très Rock aux guitares crasseuses et la batterie métronomique envoie du bois. Les musiciens libèrent de l’espace pour que les instruments s’expriment en toute liberté avec un joli solo bluesy aux guitares aiguisées. Pour l’instant c’est surtout la prof qui s’exprime. Elle headbange, ses cheveux tournoient et elle mime les riffs sur la règle de 50 centimètres. Je la regarde onduler et vibrer. Je suis sous le charme. Comment ne pas en être autrement ! J’aimerai bien la séduire sans que ça foire. Mais en ce moment, j’ai franchement l’impression d’être au mauvais endroit, au mauvais moment, d’être grimpé dans le mauvais train qui file à la vitesse du Rock supersonique de Poncharello. En à peine 2 minutes 30, « Wrong Train » nous balance une bonne dose d’énergie Punk Rock avec un petit gimmick comique comme cerise sur le gâteau. Le train fonce et fuzz avec « Dry » puis enchaine avec « Snake in the Grass » sans serpenter. Poncharello reprend sa vitesse de croisière pour aller surfer sur la « Kawasaki Todoroki Express ». Maki qui se passe ? Est-ce l’influence de Mathieu Decamps des Rhinogrades lors de l’enregistrement ? En tout cas, ce morceau instrumental s’avère plutôt inattendu dans le répertoire de Poncharello. Les Shadows se sont bourrés la gueule au Saké et cela donne un morceau taillé au katana pour un film de Tarantino. L’album se clôture avec « Under the Surface » un stoner hypnotique.

Clac, clac, clac, clac … Alors M. Gilot encore en train de rêver ! hurle la prof’ d’électricité en claquant des mains comme à la fin d’un spectacle comique.
Sauf que le clown c’est moi. Elle m’a foutu les boules la conne à crier. Elle m’épie aux travers de ses montures épaisses qu’elle a sûrement piquées à Nana Mouskouri. La classe se marre. Je pique un fard. Il y a de l’électricité dans l’air ! Elle regarde ma copie.
- Poncharello ! Quel nom étrange pour un physicien … Revenez parmi nous M. Gilot.
Elle effectue un magistral demi-tour droite devant mes yeux rougis par la fatigue et me présente son magnifique séant enveloppé dans cette jupe noire un peu trop stricte mais parfaitement ajustée qui cache bien des mystères et des folies.

Vincent GILOT aka Le Guise
24 janvier 2015