Odile Closset / Manu Markou

Les Limbes

2014

www.manumarkou.com

ACTE I : LES LIMBES
01. Les enfants sages
02. Les limbes
03. Je suis dans l'ombre
04. Atterré
05. Le layon
ACTE II : LA DUPLICITE
06. Psaume 139
07. Génocide
08. N'être
09. Incident de parcours
10. Différent
ACTE III : LE DESORDRE
11. Un mirage
12. Le prédateur malheureux
13. Je vois
ACTE IV : LE SALUT
14. J'appartiens au vent (part 1)
15. Si tu étais le vent
16. J'appartiens au vent (part 2)
17. C'est du vent
18. Une minute de silence
19. Les limbes (reprise)

Après un long silence de quatre années, le duo Odile Closset et Manu Markou accouche au forceps d’un album teinté de mélancolie dans la lignée de Démantibulés (2007). Une plongée dans les ténèbres de la dépression avec son quotidien de douleurs, de souffrances et d’incompréhensions. Emmuré dans la citadelle de ses tourments, l’artiste s’entaille les entrailles au scalpel afin de trouver la lumière dans l’obscurité, un seppuku musical douloureux pour créer un album exutoire. En effet, il faut parfois creuser au plus profond de soi même pour trouver la meilleur façon d’exprimer ses sentiments, retrouver le chemin vers la lumière, reprendre goût à la vie tel le Tonight the Night d’un Neil Young tourmenté par la disparition par overdose de ses amis Danny Whitten et Bruce Berry. Une longue descente aux enfers ; terrifiante quand on y croise ses fantômes qui nous reflètent notre propre visage.

Pendant plus de deux ans, Odile et Manu ont travaillé à la réalisation de ce nouvel album constitué de plusieurs versions sans cesse remaniées, toujours dans un esprit DIY puisque le couple enregistre et masterise à la maison. Un travail en famille où nous retrouvons leur jeune fils Léonard sur la pochette ainsi que l’harmoniciste Clakos, le frère de Manu, à la flute traversière. Une écriture douloureuse de textes, commencée en novembre 2011, pour parfois ne garder qu’une phrase. Manu a essentiellement composé les musiques à la guitare, pendant de longues nuits au goût de spleen, la tête perdue dans ses volutes. Les Limbes se présente comme un album concept en 4 actes décrivant un voyage intérieur qui nous accompagne des limbes au salut, de l’obscurité à la lumière, de la mort à la renaissance. Comme sur Démantibulés, ce nouvel album se compose de chansons et de courts textes souvent parlés en guise d’intermèdes où nous retrouvons des influences musicales très variées entre Pop, Trip Hop, Nu Jazz et Electro qui viennent colorer ces chansons françaises atypiques caractérisées par une plume finement ciselées, ornée de calembours, qui apprécie le mot et le verbe justes.

Le premier acte s’ouvre sur la phrase « Les enfants sages iront tout droit au paradis. » qui résonne comme un sermon mystérieux avant qu’une flute nous invite à une promenade bucolique et mélancolique. Cette image musicale m’évoque Kafka sur le rivage le roman d’Haruki Murakami avec le voyage forestier du personnage Kafka Tamura dans un au-delà. Les chansons principalement en guitare chant sont dépouillées avec très peu d’arrangement. C’est un psaume déclaré en latin qui annonce le second acte où « …La nuit brille comme le jour, et les ténèbres comme la lumière. » avec des compositions (Différent) plus Electro dans la veine d’Amnesiac de Radiohead avec l’utilisation du Korg MS20 et du Mini Moog. Un acte où plane la maternité avec des chansons, comme « Génocide » et sa mélodie de mobile d’enfant qui tournoie puis « Incident de parcours », chantées par Odile dont le chant moins fragile évolue en finesse de Birkin à Hardy. Sur Le Désordre, Manu Markou tente dans une psychanalyse tribale de déficher sa jungle mystérieuse et opaque afin d’y débusquer « Le prédateur malheureux » qui sommeille voire s’agite en lui. Cela donne deux morceaux enchainés dans un style entre Trip-Hop et Nu Jazz à la Saint-Germain où se mêlent rythmique tribale, trompette et flute jazzy. L’album se clôture avec Le Salut où le vent emporte tout sur son passage pour une renaissance éphémère avec un mélancolique « J’appartiens au vent » où justement la voix d’Odile se rapproche de Françoise Hardy alors que Manu passe par un Vocoder pour « C’est du vent ». Ce vent funeste laisse derrière lui « Une minute de silence » sans les militaires au garde-à-vous, ni les bruits d’environnement du « 4’33’’ » de John Cale. Evidemment Les limbes, comme la majorité des albums du duo, invite à une réflexion sur le sens de la vie où la mort physique ou symbolique n’est que l’étape finale ou la renaissance.

Vincent GILOT aka Le Guise
3 Mars 2014