Boîtes à chaussures recyclées ou caisses de vin en bois sont autant de malles au trésor, enterrées dans nos jardins secrets, riche d’objets anodins de notre enfance, photographies de famille cornées, lettres d’amour jaunies et de confidences. Leur simple souvenir évoque souvent « Une histoire, mon histoire, universelle, banale, une histoire, notre histoire, dans le creux de ton oreille ce n’est pas rien ». C’est sur ces mots que s’ouvre l’album Notre silence du duo que Michel Cloup forme avec, son ancien complice d’Expérience, le batteur Patrice Cartier. Le musicien exhume avec beaucoup de sobriété et de pudeur des histoires intimes et introspectives. Notre silence se présente comme un album de famille, musical, dont chaque photographie raconte une histoire très personnelle que Michel Cloup nous narre dans un style chanté parlé où chaque mot, pour sa signification ou son symbole, semble pesé avec justesse afin de coller parfaitement au texte sans emphase. De page en page, il les peint avec beaucoup de réalisme en utilisant une large palette de couleurs (Une allumette dans une casserole en émail orange, une flamme bleue sur « L’enfant ») et de sensations souvent antinomiques (« Notre silence » et son oxymore « Silence ! J’écoute notre silence. Voir s’il est éloquent… ». Ces tableaux chantés dégagent énormément d’énergie, d’émotions (« Le cercle parfait ») et de sentiments (L’empathique « Plusieurs fois cet après-midi »). L’ancien leader de Diabologum avec le temps a gagné en sagesse sans perdre sa fougue. En philosophe pragmatique, il recycle « Cette colère » qui, aujourd’hui plus qu’hier, reste son meilleur carburant. Loin d’être résigné, le chanteur demeure réaliste. Il préfère dépenser son énergie au service de compositions dans un style alternatif teinté de Slow-Core et Noisy Pop. Le superbe jeu de percussion de Patrice Cartier, caractérisé par une batterie cyclique, hypnotise l’auditeur avec un tempo volontairement lent qui laisse de l’espace pour que le silence lui aussi s’exprime autant que les textes et soli de Michel Cloup. Nous découvrons des chansons non formatées comme « L’enfant » et « Notre silence » qui dépassent les onze minutes. La richesse de la langue française et la poésie de son vocabulaire servent des textes qui possèdent la puissance d’un uppercut qui fait mouche à tous les coups grâce à des breaks et des montées en puissance influencées par Slint. Michel Cloup referme l’album souvenir sobrement débuté par « Mon Histoire » par cette question existentielle pleine de doute « Je ne sais plus si c’est toi qui est partie ou si c’est moi qui suis resté ? ». Nous sommes juste « Avant la fin » alors le musicien devient réalisateur et nous invite pour la projection d’ « Un film américain » une chanson scripte. Une tranche de vie interrogative entre mariage, séparation(s) et retrouvaille(s) ou pas. En effet, les films américains contrairement aux films européens finissent toujours bien avec un God Bless America en prime pour les plus patriotes.
Notre silence se positionne comme un album adulte et mature qui aborde le grand thème insondable et complexe des rapports humains que ce soit celui de la famille avec la relation maternelle sur « L’enfant » qui traite du statut de père – « J’étais devenu le père, je suis redevenu l’enfant », ou celui de l’Amour avec la relation de couple sur « Plusieurs fois cet après-midi » et le superbe « Notre silence ». Chut ! Voici un album d’une pure beauté qui nous invite à regarder la vie et notre existence sous un prisme différent. Il mérite que nous en fassions grand bruit…
Vincent GILOT aka Le Guise
21 avril 2013