Pendant que je m’apprête à réaliser la fastidieuse et délicate opération du retournage de la tarte qui a gravé dans le marbre la notoriété des deux sœurs Tatin, Jean-Patrick Capdevielle, lui, hurle dans mes esgourdes ses errances ensablées. « Quand t'es dans le dessert depuis trop longtemps, tu t'demandes si ça va l’faire, tout ces plats un peu sucrés, du gâteau qu’on veut t’faire gouter les yeux bandés ». Aller mon gars t’en as vu d’autres, t’es du Nord, il s’agit Pas-de-Calais ! Tout en douceur, hé hop … Si ma tatin est retournée, je dois quand même vous avouer que je le suis également depuis que j’ai découvert In a Random Territoty, I was. Malgré plusieurs écoutes de cet album au titre indécis A Little, a Lot, je suis resté plongé un sacré moment dans un vague sentiment de confusion pour décrire ce superbe opus aux influences éclectiques.
Laissons mes errances de côté et revenons au commencement. Les membres de In a Random Territory, I was se sont rencontrés, en septembre 2012, dans le cadre d’une Forest Sessions organisée par Pascal et Sophie Descamp, où par essence, les musiciens viennent tous d’horizons musicaux différents Nous retrouvons des membres de Geoff Mendelson, Dirty Primitive, Ok Monday et The Toy Commander. Alors que cette quatrième édition des Forest Sessions touche à sa fin, les musiciens terminent leur enregistrement, avant de remballer le matériel. Il règne un sentiment d’amertume et d’inachevé. Que la magie continue, que le temps s’arrête afin qu’ils puissent encore profiter de cette symbiose et conjuguer l’énergie de ce lieu unique pour composer ensemble d’autres chansons ! La fée N’deur avec ses Strat et paillettes (très connue des plateaux de Tele) en a probablement soufflé quelques mots à Sophie pour que les musiciens se retrouvent à nouveau en avril 2013 au même endroit pour réaliser ce rêve et donner naissance aux sept chansons qui composent A Little, a Lot.
Perplexe ! Qu’avais-je donc en tête lorsque j’ai entendu, pour la première fois, les premiers accords de « Nothing in Mind » ? Calexico sans les Mariachi ou Chris Issak en panne d’essence à Tucson. De la côte d’Opale au désert de Sonora, il n’y a qu’un pas que certains musiciens peuvent franchir facilement pour créer un album où se mêle malicieusement Americana et Pop Vintage 60’s. La force de cet album réside dans la parfaite harmonie entre le chant suave, doux et calme de Geoff Mendelson et l’énergie musicale fruit d’influences multiples qui nous font perdre nos repères en nous emmenant dans des paysages musicaux inconnus quoique familiers où de nouveaux espaces se redessinent indéfiniment. Inutile d’aller à Thoires pour recoller les morceaux. La musicalité de A Little, a Lot se fraye un chemin dans les grands espaces où peuvent s’exprimer à leur aise les instruments dans des plages très planantes avec de belles montées en puissance comme « Strait to Hell » qui peut rappeler par moment Syd Matters. Les claviers offrent un son vintage 60’s très chaud. « A New Kind of Anger » me fait penser à l’album The World is Flat de Little Nemo alors que je ressens la présence de Jeff Buckley sur « So Much Beauty There ». A Little, a lot se présente comme un superbe album à géométrie variable composé de Pop atmosphérique avec des nuances d’Americana. Finalement d’une rencontre fortuite, In a Random Territory, I was concrétise dès le premier coup un superbe projet musical d’une grande maturité qui possèdent une palette musicale aux couleurs multiples. Rien n’est Hasard !
Vincent GILOT aka Le Guise
22 janvier 2014