La lame du limonadier tourne autour du goulot de la bouteille. D’un coup de pouce précis et efficace la capsule s’envole. Un anodin geste technique qui dévoile toute la dextérité du professionnel. La pointe du tire-bouchon se plante puis s’enfonce régulièrement dans le liège. Je tire avec une force mesurée et constante pour extraire délicatement le bouchon de l’emprise du verre. Comme le nouveau né quittant le confort maternel, il libère lui aussi son cri : ploc … Tiens, on m’appelle ! Chasser le naturel, il revient au galop comme The Inspector Cluzo. En effet, aujourd’hui ce 16 septembre 2013 sort le quatrième album du duo landais sobrement intitulé Gasconha Rocks. Ca s’arrose. Je verse un fond de ce breuvage divin au fond de mon verre tulipe. Il déferle, tourne, virevolte, dessine des arabesques ocre. J’inspire, inhale et régale mes sens de ses parfums de terroir. Gasconha Rocks possède lui aussi son propre terroir et ses arômes distincts : Un Rock puissants qui tire toute son énergie des racines du Blues. Un album aussi Roots que mon Cahors est charnu, surprenant en bouche par un son puissant, très électrique, autant influencé par Jimi Hendrix, que Led Zeppelin ou encore The Who avec un final tout en solo qui invite la nouvelle gorgée. Pour produire ce nectar qui possède toute la richesse des Landes, les Cluzo ont simplement enregistré leur album de A à Z à la maison sur une table Sony MCI MXP2000 de 1979 dans des conditions live en assurant eux même l’enregistrement, la production et le mixage. Sur la photographie de la pochette, le groupe a choisi de faire figurer un portrait en noir et blanc de Jean Barrère, un paysan Gascon éleveur de vaches de courses landaises, afin d’ancrer cet album dans ce qui fait son énergie : la Terre.
En effet, The Inspector Cluzo ne change pas de cap. La ligne directrice demeure la même depuis leurs premiers albums, c’est-à-dire, des chansons qui sont une vision actuelle des dérives de notre société en perte de repères. Si Roger Waters scandait « We don’t need no education, we don’t need no thought control » sur le célèbre « Another Brick in the Wall Part II », Les Cluzo, eux, se demandent ce qui ne tourne pas rond avec le système éducatif qui annihile la créativité et l’esprit critique avec un « Hello/Goodbye Education » au riff percutant et son introduction très Hendrix. It’s time for school revolution ! Devons-nous nous attendre comme dans le film Idiocracy a ce que nos villes soient envahies par un tsunami d’ordures ? Les déchets qui jonchent nos plages ont probablement inspiré « Garbage Beach ». Comment ne pas s’offusquer quand le conseil d’Etat doit, en application du droit européen, annuler l’interdiction de la culture du maïs transgénique M810 de la société Monsanto. Le constat de « Move over Monsanto » s’avère logique. Non, nous ne voulons pas bouffer vos merdes chimiques qui permettent juste de vous enrichir ! Nous pourrions injustement qualifier les chansons d’écologiques alors qu’elles sont justes censées. Si nous n’héritons pas de la Terre de nos ancêtres mais que nous l’empruntons à nos enfants, je crains qu’ils nous demandent des comptes. La facture sera salée ! Aussi, vivons en profitant de ce que nous offre la Terre et revenons à des notions plus respectueuses de notre environnement. En écoutant « The Duck ‘Guit’ Blues », je me rappelle qu’il est l’heure que j’aille nourrir les canards. Un superbe Blues terriblement rural agrémenté de jolis slide. Un morceau très affectueux envers ces Ducky qui vont nous offrir de bons magrets et des beaux foies bien gras. The Inspector Cluzo rend avec « Black Spirit » un bel hommage au Blues en rappelant le lourd tribu de ces populations exploitées dans les champs de coton et vendues comme esclaves par les négriers français. Gasconha Rocks s’avère un album aux compositions puissantes et percutantes. Des chansons aussi courtes que celles des Ramones qui laissent assez de place pour que les musiciens puissent s’exprimer. Mathieu frappe sur sa batterie avec l’énergie et la folie de Keith Moon alors que Laurent salue la mémoire du grand Jimi avec des soli bien carrés où vient se promener un peu de pédale wha-wha comme sur « I am (not) a Super Hero ».
Comme à son habitude, The Inspector Cluzo a produit un album en parfaite indépendance dans l’esprit DIY au package une fois de plus original, puisqu’en plus de la bande dessinée, le groupe a réalisé un DVD documentaire intitulé « The 2 Mousquetaires : A fight for independance ». Nous suivons le groupe à travers les scènes les plus prestigieuses du globe. Cela laisse rêveur ? Osons les réaliser ...
Vincent GILOT aka Le Guise
16 Septembre 2013