De toutes les qualités, la persévérance est probablement celle qui anime la carrière du duo Curry & Coco. En effet, depuis
leur naissance en 2006 qui vit leur victoire au tremplin organisé par l’association Bougez Rock – couronnée par leur
participation au festival des Nuits secrètes avec The Bellrays et Radio 4 – le groupe a écumé les scènes françaises
et européennes avec plus de 140 dates. Il faut avouer que We are Beauty, le premier album s’est fait attendre. A se
demander si Sylvain et Thomas ne s’étaient pas reconvertis dans la plomberie et si ce premier album tant attendu n’allait
pas s’intituler L’Arlesienne. Trois longues années a se contenter de singles depuis le prometteur They said « Who’s
next ? » ...We say « us ! ». Jacques C. un fan de la première heure me confiait récemment « Putain ! 3 ans ». La
patience finit toujours par payer. L’album We are Beauty est maintenant dans les bacs depuis le mois d’avril.
Une sortie fêtée dignement au Grand Mix en compagnie des groupes TV Glory et Flairs.
En octobre 2009, Curry & Coco s’est rendu à Londres pour enregistrer ce premier opus, sous la houlette du musicien et
producteur David Kosten aka Faultline, reconnu pour son travail avec Bat for Lashes et Joseph Arthur. We are
Beauty se présente comme un album à la production soignée avec un son léché qui contraste avec celui des concerts Live
plus vintage et rugueux. Les 10 titres in a perfect english sont taillés pour envahir les scènes internationales et
surtout les dancefloors puisque que le groupe revendique fièrement leur style musical : Pop de danse. Un cocktail
extravagant composé principalement de New Wave et de Disco arrosé d’un fluide de « Man Machine » joué par Devo !
Un sacré flash-back en 1980. Ces années Post Punk ont vu l’émergence de groupes, où le clavier supplantait définitivement
la guitare électrique. C’est dans cette Synthpop que Curry & Coco a puisé ses influences avec des tubes comme
« Cars » de Gary Numan ou bien « Don’t You Want Me » de Human League. Elle se retrouve jusque dans la
photographie de la jaquette qui cultive l’ambiguïté et la provocation de ces groupes de poseur efféminés dans le style
« garçons coiffeurs britanniques » (nda : Rip it Up and Start Again de Simon Reynolds, page 410) où l’usage du clavier faisait inévitablement « pédé » pour les Rockeur purs et durs.
Periclés versus Apollon dans une version éphèbe athénienne de The Eye of Tiger (nda : Rocky III).
L’album s’ouvre sur le présomptueux « Who’s next ? ». Un clin d’œil facétieux à leur premier EP où le refrain
provocateur « They said – Who’s next ? We say – us ! and if you disagree, just get off the bus » annonce d’emblée la
couleur. Nos loustics ont parfaitement assimilé la philosophie de Joe Cabot (nda : Cerveau du braquage dans The Reservoir Dogs) « Soit tu suis ma route, soit tu te tailles
de ma route ». Simple, clair et efficace. Curry & Coco est dans la place, leur objectif devenir le « Top of the Pop ».
Il serait simpliste d’imaginer que ce single se classe comme un hymne désinvolte dans la lignée du « Rock &
Roll Star » d’Oasis ou bien de croire que nos ch’ti mi voudraient revendiquer la place du groupe le plus prétentieux
depuis le split des Mancuriens. Loin d’exploser les charts, Curry & Coco souhaite juste devenir « Number one in your
hearts ». Ce n’est déjà pas si mal. Pour ce premier album, la majorité des chansons sont des nouvelles compositions. De
leur répertoire, seul subsiste « Sex is fashion », le tube qui a largement contribué à forger leur notoriété. Il
a singulièrement évolué, autant dans le fond que dans la forme, depuis la version demo enregistrée en 2006 dans le salon de
Thomas et celle de l’EP Singles. Oublié le vieux Bontempi soutenu par un charleston binaire, le titre a gagné en
chaleur avec des claviers au son plus spacieux, des arrangements plus créatifs et une rythmique plus agressive. A la
poubelle, les Come on et Yeah artificiels et décoratifs, la voix de Sylvain est dorénavant plus limpide et
mélodieuse. Ecouter ces trois versions à la suite s’avère être une expérience originale et pertinente pour réaliser le
chemin parcouru par Curry & Coco depuis bientôt 4 ans. We are Beauty est l’album de la séduction. Elle s’exprime
par la danse comme sur le frénétique et magnétique « Dancing like a Monkey » ou encore avec l’énergie
d’« Ultrasonic » dont les arrangements me rappellent le « When the Rain Begins to Fall » du duo Jermaine
Jackson et Pia Zadora. Lorsque sur « Yummy Mummy », l’opération consiste à draguer une femme-couguar, l’affaire
se clôture brièvement par une gifle. Echaudé par cette expérience douloureuse, Sylvain préfère déclarer tendrement sa
flamme à « Jeannie » sur un air moins cavalier. L’album se referme sur l’instrumental « Boys from the North ».
Même avec un nom plus qu’exotique Curry & Coco n’en oublie pas pour autant d’où il vient. Michel Galabru vous avait bien
prévenu « C’est le Nord ! », mais vous avez préféré vous marrer.
Vincent GILOT aka Le Guise
19 décembre 2010