En avant-première, le sujet de philosophie pour le baccalauréat 2010 : "Est-ce un acte punk que de donner un
juron à son œuvre ?". Vous avez quatre heures ! Les Sex Pistols avaient osé un amusant Nevermind the bollocks,
quand The Heartbreakers se contentaient juste d’initiales pour leur (nda : Like A Mother Fucker) ; d’in ch’Nord les ch’ti mi
de Marcel et son Orchestre avaient, pour leurs premiers sévices, balancé un coulommiers estampillé
Sale bâtard (à prononcer obligatoirement avec l’accent pour que ce soit vraiment drôle). Nos deux acolytes
de The Inspector Cluzo persistent dans le domaine de l’enfant non reconnu.
Une légende Rock’n’Rollienne raconte que des journalistes australiens, véritablement impressionnés par la puissance
scénique de The Inspector Cluzo, ont simplement surnommé notre duo The French Bastards. A priori, ce joli nom d’oiseau
a beaucoup volé lors d’échanges de mondanités entre les musiciens et les techniciens. Voilà pourquoi leur
The French Bastards fleure bon l’autodérision et la fierté à peine dissimulée si on se réfère à l’aphorisme
de Georges Courteline "Passer pour un idiot aux yeux d’un imbécile est une volupté de fin gourmet". Laurent enfonce
même le clou sur "The French Bastards #1" où il lâche un ironique "Yes We are and Proudly Mother Fucker".
Après plus de 185 dates dans 23 pays, The Inspector Cluzo, comme tout bon flic, s’est décidé à cuisiner, non pas
les suspects ni même les témoins, mais le successeur de leur premier album éponyme, qui s’est vendu à plus de
20 000 exemplaires. Ce n’est pas Maïté qui va me contredire, pour ce genre de boulot, rien de mieux ... qu’une
cuisine ! Deep Purple a bien enregistré son Machine Head dans le couloir de leur hôtel (nda : Grand Hôtel de Montreux). A la maiz’, entre
magret de canard et saint-émilion, ingrédients indissociables de la "Red Wine Attitude", les musiciens nous ont
concocté un menu gastRocknomique mixé par Stephen Kraemer. Après les Desert sessions de Josh Homme voici
les Kitchen sessions. The Inspector Cluzo, apôtre du DIY (nda : Do It Yourself, Fais-le toi-même), nous offre un album au packaging inédit, génial et très
professionnel, composé d’une série de dessins originaux réalisés par le graphiste taïwanais Chaos. Douze imprimés
avec au verso les paroles et au recto un dessin en rapport avec la chanson. En découvrant ce nouvel opus,
George ne pourrait que s’écrier "The Inspector Cluzo ! What else ?".
Sur son premier album, The Inspector Cluzo explorait plusieurs chemins musicaux du Rock au Funk en passant par le
Blues. Comme un peintre sous narcotique il mélangeait les genres et les influences par d’astucieuses touches de
Sly and the Family Stone, des trainées de Red Hot Chili Peppers ou un aplat de Beasty Boys. Le spectre musical
de The French Bastards se présente comme un retour aux sources de la musique Black, dans tout ce qu’elle
a de plus noble, avec l’énergie du Blues et le groove du Funk. Il faut avouer que notre duo bordelais n’y va pas
par quatre chemins, en nous mettant la pression dès l’instrumental "TIC theme". J’ai l’impression de me
trouver dans un remake de Shaft. Le morceau déploie toute la chaleur de la blaxploitation grâce à l’efficacité
de la section de cuivres de Ceux qui marchent debout. Lorsque Laurent attaque le solo funky, je m’attends à voir
débouler Zebra 3 dans mon salon. Notre duo expose explicitement la "Inspector Cluzo’s Way of Life" sur "The French
Bastards #1" : des mecs en costard noir avec la puissance du pack du XV de France et les bouteilles de concours (Si ces messieurs veulent bien me les confier, c'est moi qui ai le tire-bouchon !).
J’entends déjà Abd al Malik me souffler à l’oreille "Eh Le Guise, ça c’est du lourd !". Nos deux zygotos sont allés
à bonne école. Ils n’ont pas besoin de GPS pour trouver la "Highway to Hell" et cela s’entend clairement sur
"Terminator is Black on his Back", où nous retrouvons avec délectation ce riff crunchy estampillé ACDC.
Il faut saluer l’étonnante tessiture de Laurent. Sa capacité vocale lui permet de se mettre dans la peau de Barry Gibbs
pour nous offrir cette voix de fausset si caractéristique comme sur "F*** Michael Jackson" ou "He is not
the man". A chacun son style. Le "The Old Man" de l’Inspecteur Cluzo n’a rien à voir avec celui de
Neil Young. Il commence comme un bon vieux Blues joué à l’acoustique, mais rapidement il se métamorphose en Rock rageur.
L’ombre du grand Frank Zappa, prophète de l’humour grinçant, plane sur l’album où nos zouaves n’hésitent pas à croquer,
non sans second degré, notre actualité, comme la disparition de Bambi-King-of-Pop sur "F*** Michael Jackson"
et les travers de notre monde qui part en couille sur "Trader Forever". La chanson "He is not the man"
pourrait être dédicacée à ce mec, vous savez, celui qui est à la colle avec cette nana qui gratte une guitare et
dont je-ne-sais-qui lui a dit que quelqu’un l’aimait ! Etonnant, non ? Sur "Zombies DJ’s Killers" Laurent et
Mathieu manipulent, avec beaucoup d’humour, une sorte de mutant né d’un ingénieux croisement entre "Freddy"
et "Edward aux mains d’argent". Leur objectif, transformer leur créature en nouveau Michel Dervyn pour faire
la nique à ces DJ qui feraient mieux de nous passer du Rock bien dur au lieu de cet ersatz de musique composé de
bruits débilitants. Les voilà prévenus s’ils veulent avoir la vie sauve et protéger leur patrimoine capillaire !
En bon patriote sportif, notre duo rend probablement le premier hommage musical à Lilian Thuram. Cet excellent
défenseur, en marquant les deux seuls buts de sa carrière contre la Croatie, a permis à l’équipe de France de
parvenir en finale en 1998. Il lui déclare toute son admiration dans un affectueux "In Love with Lilian Thuram".
Avec toute la bienveillance d’un parrain envers son filleul, Angelo Moore de Fishbone se réserve le mot de la fin
avec "The French Bastards #2". Un texte parlé où Angelo nous donne sa vision très sarcastique du comportement
et de l’attitude de ses Froggies. Ouais, des slakers (nda : terme qui désigne des glandeurs, des branleurs), des sacrés French Bastards !
Vincent GILOT aka Le Guise
2 juin 2010